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7 mars 2007 3 07 /03 /mars /2007 10:45
Cher Maître,
Bien qu'étant un fidèle disciple de votre enseignement depuis tant d'années, une question me taraude : doit-on pratiquer comme son Maître ?
Je ne doute pas qu'avec votre talent et votre fine et élégante plume, vous saurez ouvrir mon frêle esprit sur cette large question.
Bien amicalement
Bob à ski
 
Mes correspondants ont souvent le sens du mystère ou de la devinette et ce sont parfois de gentils farceurs mâtinés de fieffés flatteurs… Difficile de répondre à un inconnu, même s'il est mon "fidèle disciple" depuis des années, quand il s'affuble d'un surnom ridicule... À moins qu’il ne se réfère à l’illustre Maître Bobashi.
D’abord, qu’est-ce qu’un Maître ? On dit Maître à un avocat ou à un notaire. On parle de maître d’armes. C’est aussi le troisième degré de la formation des Compagnons du Tour de France, celui qui forme les apprentis. Sans oublier le maître d’école devenu instituteur puis professeur des écoles.
Un maître, c’est celui qui possède la maîtrise d’un art, d’une discipline, d’une technique. C’est aussi celui qui possède, tout simplement : le chien et son maître, le serviteur et son bon Maître… J’alterne à dessein les majuscules et les minuscules.
On a acquis l’usage, dans le monde des Arts Martiaux, d’appeler Maître un professeur expérimenté, en référence au mythique Sensei japonais. Je crois d’ailleurs que Sensei signifie professeur et non Maître. Ce choix n’est pas innocent car les mots possèdent une grande force qu’ignorent souvent ceux qui les manipulent et les dévaluent avec un usage immodéré des superlatifs. Ce mot, si chargé de sens, a été à l’origine de ma première déception quand je suis entré dans le monde des Arts Martiaux : mon futur professeur était un solide jeune homme d’environ 35 ans alors que je m’attendais à rencontrer un petit vieillard barbichu !
On ne se réveille pas un matin en se disant :"À partir d'aujourd'hui, je suis un Maître...", on se contente de partager un plaisir, une passion, quelque chose en fait qui nous enrichit et qu'on désire partager. Parmi ceux qui nous font l’honneur d'assister à nos cours, il s'en trouve qui sont en harmonie avec notre mode de penser, notre façon d'être. Peut-être ceux-là penseront-ils qu'ils ont rencontré un Maître, leur Maître? C'est leur décision. Alors, comment leur imposer notre forme de travail puisqu'ils l'ont choisie comme modèle? Le statut de Maître est très éphémère, chacun à un moment donné de sa vie, choisit sa route. Si c'est toujours celle du Maître, c'est certainement une satisfaction pour lui. Sinon, c'est la vie...
 « Oui, mais doit-on pratiquer comme son Maître ? » Autrement dit, doit-on suivre la Voie de son Maître ? Je vous donnerai à réfléchir à propos de cette citation que Carlos Castaneda prête à un chamane yaqui dont il aurait été le disciple :
« Un chemin n’est après tout qu’un chemin. Si l’on a l’impression de ne pas devoir le suivre, inutile d’insister. Mais pour parvenir à une telle clarté il faut mener une vie bien réglée. Ce n’est qu’alors que l’on comprend qu’un chemin n’est qu’un chemin et qu’il n’y a rien de mal ni pour soi ni pour les autres à le quitter, si c’est ce que votre cœur vous dit de faire. Vous vous poserez alors une question et une seule : « Ce chemin a-t-il un cœur ? ». Tous les chemins sont pareils, ils ne mènent nulle part. Ce chemin possède-t-il un cœur ? S’il en a un, le chemin est bon. Sinon, à quoi bon ? Les chemins ne conduisent nulle part, mais celui-ci a un cœur, et celui-là n’en a pas. Le premier vous rendra fort, l’autre faible. Un chemin qui a un cœur est facile : on n’a pas besoin de se donner de la peine pour l’aimer. On sait qu’un chemin a du cœur lorsqu’on ne fait qu’un avec ce chemin, lorsqu’on éprouve une paix et un plaisir incommensurables à le parcourir dans toute sa longueur. »
« Oui, mais nous devons tirer profit de l'expérience des vieux Maîtres ! » proteste cette jeune élève. L'expérience ne profite qu'à celui qui l'a vécue, les autres ne peuvent que l'imiter pour voir s'ils peuvent en tirer profit, ce qui est improbable car chaque expérience est unique. Singer quelqu'un ne signifie pas travailler comme lui, la forme n'est pas le fond.
Si on considère quelqu'un comme son Maître, c'est qu'on a aimé sa façon d'enseigner, de pratiquer et qu'on se sent dans sa filiation, donc la question ne se pose pas, on pratique comme lui, même si on a trouvé sa Voie personnelle.
 
 
 
Postface : Je suis très fidèle dans mes amitiés et mes convictions. J’accompagne Alain Floquet sur la Voie de l’Aïkibudo depuis plus de trente-cinq ans d’abord parce que j’aime l’Art que nous pratiquons ensuite parce que j’éprouve un très profond sentiment d’amitié pour cet homme que j’ai rencontré sur le tatami et dont j’ai tout de suite apprécié la forme de travail et la philosophie implicite.
J’ai été influencé par sa pédagogie dès que nous nous sommes rencontrés. Son sens des relations humaines a été déterminant. Il m’a enseigné la liberté, il m’a fait prendre conscience de mon besoin de polir mes aspérités, de rentrer mes griffes, d’enfiler des gants de velours.
Est-ce que je le considère comme mon Maître ? Nous avons presque le même âge, nous avons tous les deux une forte personnalité, nous sommes vraiment très différents. Quoi qu’il en soit, je m’efforce de pratiquer comme il me l’a enseigné, de transmettre le plus fidèlement, le plus finement possible l’essence de son Art, le fond de son enseignement…
Et pourtant nous sommes si différents, mentalement et physiquement que des observateurs extérieurs pourraient avoir l’impression que nous ne pratiquons pas le même Art. Je m’efforce de démontrer le fond, mes élèves plus jeunes, plus talentueux et plus athlétiques peuvent aller quérir la forme à la source.
Est-ce que je pratique comme mon Maître ? Bien entendu, pour autant que je le peux. Est-ce que j’y suis obligé ? Je ne sais pas comment je pourrais faire autrement puisque je fais partie de son École !
Alors, que veut dire Bob à ski ? Parle-t-il du programme technique, du fond de l’enseignement ou de la façon de l’enseigner ?
La technique est le cœur même de l’École, elle doit être la même où qu’on la pratique. Comme l’orthographe et la grammaire sont le cœur de la langue française et de son écriture quel que soit l’endroit où on la pratique. Et puis il y a l’expression qui est propre à la personnalité profonde, au style original de celui qui s’exprime.
 
Alors, mon très cher Bob à ski, ma réponse te convient-elle ?
 
 
Une dernière citation du vieux chamane : La sagesse sans la bonté et la connaissance sans la modération sont inutiles…
 
Et celle-ci pour le plaisir :  La sagesse est d'être fou lorsque les circonstances en valent la peine. (Jean Cocteau)
 
 
 
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Étant très curieux de nature, je suis allé voir ce qui s'y passe et, comme j'ai des idées très originales, j'ai lancé une recherche sur Aïkibudo. Et que croyez-vous qu'il se passa? J'ai trouvé un fichier intitulé Aïkibudo, tradition et évolution et il s'agit bien du contenu de notre cassette.
Alors, pensez-vous qu'il soit raisonnable d'investir beaucoup, beaucoup d'énergie et de moyens financiers pour éditer un document dont le contenu sera aussitôt en libre-service chez la Mule?