L’important, c’est de faire les choses et d’aller voir. C’est de se mettre au pied du mur… Dès qu’on fait les choses, on devient d’une humilité fantastique. (Jacques Brel)
Depuis le début de la saison, nous travaillons l’entrée O Irimi sur Choko Tsuki et Tsuki Jodan dans le cadre d’une formation au Randori. Nous avons étudié avec autant de précision que possible les diverses stratégies de l’entrée extérieure. Dernièrement, nous avons abordé l’entrée intérieure.
Entrée intérieure ? Entrée extérieure ? Laquelle choisir et pourquoi ?
En fait, on ne choisit pas, on entre, tout simplement. Extérieur, extérieur ? Tout dépend de la position de garde des protagonistes. Tori entre comme s’il tombait sur le bras qui attaque, c’est lui qui doit provoquer l’intention d’attaquer de Uke. Celui qui prend l’initiative de l’attaque a toutes les chances de gagner…
Entrer ne suffit pas, il faut canaliser, s’insérer dans le mouvement, qu’il ait été initié par Uke ou induit par Tori lui-même.
Extérieur ou intérieur ? Si la garde est inversée, Tori se place à l’extérieur. Si les gardes sont identiques, Tori se place à l’intérieur.
Entrer à l’intérieur est dangereux. Tori doit se mettre en sécurité sinon Uke doit réagir en Kaeshi Waza ou contrer avec un atemi. Nous allons étudier cette entrée.
Nous ne savons renoncer à rien. Nous ne savons qu'échanger une chose contre une autre. (Sigmund Freud)
Voilà que je m’exprime comme un prof qui regarde ses notes au lieu de parler à son public ! Ne serait-ce pas Jacques Brel qui m’a troublé avec sa réflexion… M’accuse-t-il de manquer d’humilité et me conseille-t-il d’aller voir au pied du mur ? Comme si je l’avais attendu !
C’est vrai aussi que mon petit groupe de ce soir était tellement sérieux que je finirais presque par m’y prendre aussi, au sérieux !
Je fais travailler les sensations. Les élèves souffrent parce qu’ils réfléchissent et se bloquent sur des conditionnements. Je leur explique qu’il faut bien commencer en réfléchissant de façon à laisser le temps au corps de sentir l’intention du mouvement. Tout ça vient lentement, en pratiquant avec modération (n’est-ce pas, Martin-Gilles ?), les sensations s’installent et le rythme se met en place.
un buveur de bière modéré…
Chacun de nous a son passé renfermé en lui comme les pages d'un vieux livre qu'il connaît par coeur, mais dont ses amis pourront seulement lire le titre. (Virginia Woolf)
Tori est en garde, bras semi fléchis, au niveau Chudan. Il incite Uke à attaquer en « tombant », la main extérieure contrôlant la saignée du coude, l’autre repoussant l’épaule opposée à l’attaque. Cette poussée provoque le début d’une rotation de Uke. Cette rotation est accentuée dans le second temps de O Irimi. Tori tourne les hanches, cette rotation fait reculer sa jambe avant… Ses bras restant solidaires de l’ensemble du corps, il repousse la tête de Uke, sa main extérieure glisse sous le poignet tandis que la main intérieure prend place dans la saignée du coude.
Un vieux conditionnement incite à vouloir accrocher la nuque pour la repousser, ce qui fait que Tori écarte les bras et crée une ouverture pour Uke qui peut lui porter un coup de tête.
Un petit éducatif va faire comprendre ce travail des bras :
糠に釘
Nuka Ni Kugi
Un clou dans du son
La forme demandée semble bien comprise. Le mouvement est complété par un second O Irimi. C’est le bassin qui détermine le mouvement des différents segments du corps. Dans le premier temps, quand Tori avance, ses bras se lèvent. Son bassin pivote, il repousse le bras de Uke sur son avant. Enfin, ses mains recouvrent le bras de Uke qu’il contrôle en Robuse.
転籍苔を生ぜず
TenSeki Koke Wo ShôZeZu
Les personnes qui ne sont pas capables de concentrer leur effort sur une chose bien précise ne réussissent pas.
Le projet est de devenir performant en Randori. Ces exercices servent à développer une stratégie en Randori. On a beau exécuter des Kata de façon parfaite, c’est dans l’exercice du Randori que se manifestent les réelles compétences : utilisation des sensations, insertion dans le mouvement… l’esprit sphérique de l’école Gyokushin dont Minoru Mochizuki Sensei, lorsqu’il atteignit l’âge de 50 ans découvrit qu’il était le seul diplômé encore en vie. Il se consacra à recréer cette école et à redécouvrir ses techniques (en particulier les Sutemi) qu’il nous enseigna sous le nom d’Aïkido Yoseikan.
Ces premiers Randori sont teintés de maladresses diverses : réflexes conditionnés que Tori ne parvient pas à maîtriser, manque de précision dans l’entrée au niveau du bras qui attaque. En fait, il est gêné par les Uke qui ne respectent pas la consigne : alterner les attaques à droite et à gauche.
Où l’on voit que le réflexe n’est qu’un conditionnement
Ensuite, Laure-Line est plus mobile mais son entrée souffre d’imprécision, sa main tente d’écarter l’attaque au lieu d’entrer dans la saignée du coude. Ses bras s’écartent, ils n’agissent plus dans l’axe.
やはり野におけ蓮華草
YaHaRi No Ni OKe RenGeSô
L'astragale est bien mieux dans sa campagne.
L’entrée est la même. Toutefois, dans le second temps de O Irimi, au lieu de glisser la main intérieure dans la saignée du coude de Uke, Tori vient saisir la main qui attaque en pronation. Le second O Irimi produit les mêmes effets. Tori se retrouve placé en Ushiro Hiji Kudaki. Nous travaillons sur des éducatifs, le mouvement se conclut avec une roulade.
百聞は一見に如かず
HyakuBun Ha IkKen Ni ShiKaZu
Un coup d'oeil vaut mieux qu'entendre cent fois.
La notion de distance est relative…. L’entrée sur Choko Tsuki est modifiée par la longueur de la lame du Tanto sur une attaque Tsuki Jodan. Si dans le premier cas je repousse au niveau de l’épaule, dans le second j’entre avec un Shuto (atemi du tranchant de la main) à la base du cou. De ce fait, quand je vais effectuer le second temps de O Irimi, je vais appuyer sur la tête en la repoussant vers l’extérieur et la contrôler en pinçant la nuque. L’autre main sera alors bien placée pour saisir le poignet de Uke et le remonter en lui portant une légère rotation qui fléchit le bras vers l’épaule (Kata Ha). Tori place en appui sur son poignet la main qui maintient la nuque. Le mouvement se conclut en Ura Kataha.
Jeannot est imprécis, il laisse « tomber » le bras de Uke. L'entrée de Guillaume est bonne mais il ne contrôle pas la nuque de Uke dont il se contente d’écarter la tête. Ensuite, Jeannot est plus juste dans son entrée mais il va trop vite et ne maîtrise pas la rotation du poignet quand il porte Kata Ha. Il se précipite de façon brouillonne et doit récupérer son équilibre à la suite de la projection.
三人寄れば文殊の知恵
SanNin YoReBa MonJu No ChiE
Si trois personnes se réunissent, elles auront accès à la sagesse de Monju
Ces exercices ne sont que des éducatifs destinés à être pratiqués en Randori de façon à acquérir les sensations dans les entrées et le sens du mouvement. Les erreurs servent à prendre conscience de ces sensations, de la nécessité de briser les conditionnements. Étudier lentement. Quand le corps aura acquis la forme juste, la vitesse s’établira d’elle-même au tempo juste. La technique naît du mouvement, nous dit notre bon Sensei. L’éducatif se métamorphosera en technique à l’issue d’un ample mouvement né d’une entrée juste.
Et si tout n’était qu’illusion et que rien n’existait ? Dans ce cas, j’aurais vraiment payé mon tapis beaucoup trop cher. (Woody Allen)
« Qui c’est, celui-là, Sensei André ? Un invité ? Un intrus ? Un danseur de Tango ?- Il me semble reconnaître un adepte de la Modération, petit scarabée. »
« Encore lui ! Va-t-il s’incruster, Sensei André ? - Mais non, petite cantharide, regarde bien : un p’tit coup à gauche, un p’tit coup à droite et puis ça suffit, il va déguster une p’tite bière. Avec modération. »
Comme la tartine, l'ivrogne tombe toujours du côté qui est complètement beurré. (Professeur Choron)
Il y a plus de vieux ivrognes que de vieux médecins. (François Rabelais)
Il est temps de s'inscrire au stage de Lembrun (Le Temple sur Lot)
du 15 au 19 et 22 au 26 juillet.
