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7 juin 2010 1 07 /06 /juin /2010 18:16

La discrétion est ma devise. Je ne dis jamais rien. Même sur ma carte de visite, il n'y a rien d'écrit. (Groucho Marx)

 

Mon ami Alain R. m’a reproché d’employer « je » dans mes écrits. Peut-être confond-il avec « moi, je » qui est haïssable, comme je l’ai déjà développé dans une de mes chroniques. Si mon but est d’évoquer l’épopée de l’Aïkibudo, ce ne peut être qu’au travers de mon propre filtre. Si j’ai plaisir à développer une idée, une pensée que je tisse dans la trame du bilan de mes cours, ce ne peut être que teinté de la couleur de mes convictions et de mes représentations, de mes souvenirs et de mes projets... Comment éviter le « je » ?

Je suis discret, secret, même. On m’a qualifié de taciturne... Je suis plus écrivain qu’orateur. Encore que... Toujours est-il que la publication sur l’Internet fait brandir un flambeau aux hommes de l’ombre tout éblouissants de lumière virtuelle.

 

Les bavards sont les plus discrets des hommes : ils parlent pour ne rien dire. (Voltaire)

 

Encore tout mâché des courbatures du stage régional, j’ai repris le chemin de Saint Léger du Bourg Denis ce mercredi 2 juin 2010. Désireux de faire bonne figure auprès de tous ceux qui avaient fait le déplacement à Caudebec en Caux pour honorer la visite de notre bon Maître et célébrer les 40 ans du club et de pratique de l’Aïkibudo de mon cher ami Alain Gallais, je m’étais conduit sur le tatami avec une modération... modérée, source de courbatures longues à s’effacer et manque de respect dommageable envers l’hématome intercostal qui, depuis 3 semaines, me gêne pour enfiler mes chaussettes.

De 18 à 19 h, ma chère Jojo entreprit de me faire appliquer les derniers détails techniques requis pour la pratique du Kenjutsu...  Tout ce que tu veux, ma Jojo, je suis aussi attentif que possible mais je ne suis pas là à 100%. Ma gentille Betty, mon adorable Betty m’a causé beaucoup d’inquiétude. Il a fallu procéder à l’ablation de tout un côté de la chaîne mammaire. C’est une opération très lourde. La brave chienne attend tout de son bon Maître qui ne doit pas lui transmettre son inquiétude. Alors ma pratique du Kenjutsu est perturbée...

Betty médaillon

 

Donner avec ostentation, ce n'est pas très joli ; mais ne rien donner avec discrétion, ça ne vaut guère mieux. (Pierre Dac)

 

J’espère ne pas entraîner dans les catégories stigmatisées par le grand maître du mouvement loufoque. L’essentiel de ma richesse est dans mes souvenirs et j’aime partager ce que je possède. C’est si agréable d’entendre qu’on vous apprécie ! Alors quand des gourmets sont à votre table, vous leur servez ce que vous savez faire de meilleur...

Ce soir, il y a peu de monde sur le tatami. Il manque des pratiquants réguliers. Je m’interroge sur les raisons de leur absence... Ma prose est parfois incisive et dans mon dernier bilan  ma plume peut sembler avoir été trempée dans le vitriol, que ne ferais-je pour ciseler un « bon mot » même si, à la fin, j’en démonte la mécanique et je dénonce les subterfuges. Peut-être que, offensés par le « bon mot », ils ne sont pas allés jusqu’à la fin de leur lecture et n’ont pas été informés de ces subterfuges...

 

Ukemi Waza : contrôle du niveau technique

- maîtrise de la roulade avant : perfection du geste technique pratiqué au ralenti, réception silencieuse

- idem pour la roulade arrière

- enchaînements roulade avant / roulade arrière

- chute avant avec élan

- chute latérale avec élan

- utilisation du brise chute : au ralenti, pour se relever après un léger blocage au sol   puis à vitesse normale

- chute avant avec un Jo tenu des 2 mains

 

Dans un premier temps, les réceptions sont bruyantes, révélant un certain manque de contrôle de la roulade. Les pieds prennent contact avec le sol avec une relative brutalité, source de blessure en cas de chute réelle. Attention à la talonnade si le geste n’est pas totalement maîtrisé. Je demande donc plus de souplesse dans la réception et plus d’attention au contrôle de la respiration.

 

Buki Dori : le Jo (ou Hambo)

En fait de Jo ou de Hambo, nous utilisons de simples manches à balai dont la longueur convient parfaitement.

 

Défense contre une attaque Tsuki Chudan

- esquive extérieure : Kote Gaeshi

- esquive extérieure : Tenbin Nage

- esquive intérieure : Shiho Nage en poussant le talon du Jo

- esquive intérieure : Shiho Nage en entraînant la pointe du Jo

- esquive intérieure : même déplacement que plus haut puis Uchi Mata Gaeshi

- etc...

 

Utilisation en « sollicitation » : développement d’une stratégie

à partir de la position de garde Chudan no Kamae, Tori crée l’ouverture, c’est lui qui décide quand et comment Uke attaque

ouverture haute :

- au moment où Uke saisit le Jo, Tori entre Irimi pied intérieur, et projette Uke en Ushiro Hiki Otoshi

- variations sur cette entrée : Nagashi pied arrière, O Irimi pour effectuer diverses formes apparentées au Wa no Seishin

ouverture basse :

- au moment où Uke saisit le Jo, Tori effectue un Nagashi pied avant en tirant la pointe du Jo vers le sol

- même entrée, Shiho Nage

- même entrée, Tenbin Nage

- même entrée, Kataha Otoshi :

- O Irimi (en enroulant)

-  Nagashi pied avant (en tirant vers l’arrière)

- même entrée, Kote Kudaki

- etc...

 

Que ce soit en « défense » ou en « sollicitation », le Jo se prête à des « broderies ». C’est un lien entre la technique et le Wa no Seishin, première étape vers la sensation du mouvement où tout devient Wa no Seishin, la technique proprement dite n’en étant que le point final.

 

Dégagements sur double saisie Ryote Ippo

Développement de stratégies :

- les 2 adversaires tirent chacun de son côté comme pour écarteler Tori qui utilise le plus fort pour amener à lui le plus faible.

- Kote Gaeshi + Shiho Nage

- double Shiho Nage

- double Yuki Chigae

- Juji Garami

- etc...

 

- les 2 adversaires entraînent vers l’avant Tori qui résiste vers l’arrière puis se précipite en réaction vers l’avant.

- double Kataha Otoshi

- double Mukae Daoshi

- double Hiji Kudaki

- double Kote Gaeshi

- etc...

 

Peu de monde à Caudebec en Caux pour le stage national dirigé par not’ bon Maître. Peu de monde à Saint Léger Du Bourg Denis pour le cours de votre humble serviteur... Saison vieillissante qui arrive à son terme ? Yudansha vieillissants qui ont atteint leur niveau d’incompétence et n’osent pas exhiber leur vacuité ?

 

Le lâche a moins d'affronts à dévorer que l'ambitieux. (Vauvenargues)

 

De jeunes vieillards caducs se lamentent au sujet du devenir de notre bel Art Martial, ils trouvent que les cadres ne sont plus très jeunes (doux euphémisme pour dire que not’ bon Maître et ses adjoints sont des PPH : Passeront Pas l’Hiver !). En guise de conclusion, je leur offre cette citation du divin écrivain persan Omar Khayyâm, elle résume parfaitement ma conception de l’avenir :

 

Il n'est personne qui sache le secret du futur ; ce qu'il faut, c'est du vin, l'amour et le repos à discrétion. (Omar Khayyâm)

 Omar Khayyâm Car c’est comme ça qu’elle est belle, la vie !

 

 

 

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7 juin 2010 1 07 /06 /juin /2010 18:06

L'amour le plus discret Laisse par quelque marque échapper son secret. (Jean Racine)

 

 gallais 1

En 1950, un jeune homme de 15 ans, Alain Gallais, découvrit un livre écrit par M. Feldenkrais : « La défense du faible contre l’agresseur ». Après l’avoir lu, il décida de se donner les moyens d’apprendre le Judo.

En 1967, il créa le club de Judo de Caudebec-en-Caux. Hélas, deux ans plus tard, le professeur était victime d’un accident de la route. Après quelques mois de fonctionnement au ralenti, Henri-Claude Lindenmann, un jeune colosse un peu bourru, fut recruté. Le nouveau professeur était par ailleurs 1er Kyu d’Aïkido Yoseikan et entreprit d’initier ses élèves à cet Art Martial encore peu connu.

C’est ainsi qu’un petit groupe vint se perfectionner à Rouen, à l’École de Judo Jean Lemaître où, riche d’un 1er dan tout neuf, je venais d’être chargé des cours du 3e au 1er kyu. Nous avons fait connaissance. Sans plus. Il deviendrait plus tard un de mes meilleurs amis mais à l'époque, je ne me liais pas facilement.

Alain Gallais ouvrit officiellement la section d’Aïkido Yoseikan à Caudebec-en-Caux en 1970. Nous avions appris à nous connaître et tissé des liens d’amitié. J’ai commencé à venir de temps en temps avec quelques élèves lui apporter mon aide technique. De son premier initiateur, il n'avait pas acquis un style particulièrement souple mais ses attaques étaient remarquables de sincérité.

Le 23 janvier 1973, il reçut le 1er dan au CREPS d’Houlgate, à l’issue d’un stage dirigé par le jeune Maître Alain Floquet.

À cette époque, nous dépendions de la FFJDA. Pour obtenir notre indépendance, il nous fallut arracher la direction de l’Aïkido au sein de la Ligue. En Juin 1973, se tenaient les Assises de la Ligue de Normandie. C'était, cette année-là, l'élection officielle du représentant de l'UNA. Un candidat avait le soutien du président de la Ligue. Personne ne doutait de sa réélection. Mais j’avais dans ma poche la candidature d’Alain Gallais.

Les représentants de l’autre groupe, le CAT, et le candidat officiel, qui détenait les pouvoirs d’un 3e groupe, l’ACFA, ricanaient quelque peu, deux contre un, pas la peine de voter, non ? Hélas pour eux, j'avais dans une autre poche le décompte officiel des voix, au vu des licences de l'année civile 1972. En fonction du barème, je disposais de six voix, le CAT comptait deux voix et les pouvoirs de l’ACFA représentaient trois voix. Six contre cinq. Pas la peine de voter, non ?

Le candidat officiel s'en fut. Le président de la Ligue n'était pas très content. Moi, j'avais fait le ménage devant ma porte.

Alain prit la présidence et il allait, pendant de nombreuses années, jouer un rôle fondamental dans la construction de la région, mettant ses compétences administratives au service de la technique. Grâce à lui, je pus me consacrer entièrement à la formation des futurs cadres et contribuer à l’élaboration de ce qui allait devenir l’Aïkibudo.

En 1976, nous avons quitté l’UNA pour rejoindre la FFAD qui cèderait la place à la CFAMT qui allait devenir FFAMT puis FFAK. Alain avait gardé la double appartenance pour se tenir au courant de la politique suivie par ceux qui étaient devenus nos adversaires. Au début de l'année 1979, il eut maille à partir avec l'UNA, ne supporta plus d'avoir à gérer les affaires de l'Aïkido « officiel », rendit son tablier avec éclat, créa la région 10 de la FFAK le 28 mai et en prit la présidence.

Il laissa la place en 1981 à un jeune Yudansha qui croyait très fort aux valeurs fédérales, à l’œcuménisme des disciplines « sœurs »... En fait, ce dernier démissionna en 1984, se refusant à céder à toutes les exigences de la discipline « sœur » et... converti aux valeurs d’École ! Il provoqua une assemblée générale le 2 juin. Étaient là les représentants des six clubs de l’Aïkibudo et de quatre clubs d’Aïkido. J'étais présent en tant qu'observateur. Les gens de l’Aïkido, étaient bien ennuyés. C'était commode quand ceux de l’Aïkibudo faisaient tout le travail ! Ça marchait si bien ! Pourquoi changer ? La candidature d’une dame, qui accompagnait le groupe Aïkido mais  ne pratiquait pas, fut sollicitée.

Comme d'habitude, nous n'avions pas préparé notre réunion. Au dernier moment, Alain Gallais voulut bien se porter candidat à la présidence, auquel cas un de nos Yudansha acceptait de s’occuper de la trésorerie... Ça marche ? Non, il faut voter, et pour qu'il y ait vote, autant qu'il y ait deux candidats, la dame et Alain Gallais. Et on vote à bulletin secret.

Dépouillement. Surprise. La dame, six voix. Gallais, quatre voix ! Avec la majorité, on perd la présidence ! Que s'est-il passé ?

Tout simplement, un de nos électeurs dormait, alors il avait voté pour l’Aïkido puisque, avant la réunion, on avait dit qu'on le laisserait se dépatouiller avec ses problèmes. Une autre représentante  n'avait rien compris et avait voté pour l’Aïkido, puisque c'est ce qui avait été décidé au départ...

L’Aïkido prenait la présidence de la Ligue. Quinze années de travail venaient d'être balayées par deux crétins. J’allais devoir batailler pendant plusieurs années pour arracher notre indépendance administrative et financière et... même technique, quoique ce dernier problème ait été vite réglé localement, mais ceci est une autre histoire !

Quand j’eus enfin arraché une indépendance totale, Alain voulut bien encore une fois se charger de la responsabilité des tâches administratives pendant quelques années où il m’assista avec une fidélité sans faille.

Il ne faudrait pas résumer le rôle d’Alain à celui d’un simple tâcheron administratif. De nombreux Yudansha ont été formés par ses soins. Traditionnellement, quand un professeur considérait que ses élèves avaient atteint le niveau de 1er Kyu, il me les recommandait pour le « cours du samedi » où j’accueillais tous les Yudansha de la région pour un travail de perfectionnement technique sur les sensations, le mouvement, et les 1er kyu pour les amener au niveau du Shodan.

Un des derniers disciples qu’il me confia, dans le courant des années 90, me parut avoir de belles dispositions. Il est aujourd’hui titulaire du 5e dan et a été coopté l’an dernier dans le groupe des Kodansha...

 gallais 4

 

Il faut être discret quand on parle de son bonheur, et l'avouer comme si l'on se confessait d'un vol. (Jules Renard)

 

J’aurais dû parler du stage national qui s’est déroulé le 29 mai. Vous raconter comment Alain Floquet et Alain Roinel sont arrivés chez moi le vendredi soir : c’était la première fois que les trois plus anciens « piliers » de l’Aïkibudo se retrouvaient ensemble, en famille.

J’aurais dû rédiger le compte-rendu des cours, comme d’habitude. Vous dire qu’ils étaient excellents, comme d’habitude. Que le Maître a insisté sur les sensations développées dans l’exécution du mouvement et précisé que la technique n’est que le point final qui se pose à la fin du mouvement. Comme d’habitude. Qu’il ne l’a pas dit tout à fait comme ça et que je le paraphrase, comme d’habitude. Que nous avons trempé les kimonos et que tout le monde avait un sourire jusqu’aux oreilles à la fin du stage, comme d’habitude.

Les pratiquants de l’Île de France s’étaient mobilisés en nombre pour nous rejoindre à ce stage qui marquait le 40e anniversaire du club d’Aïkibudo de Caudebec-en-Caux. Heureusement car peu de Normands se sont présentés au rendez-vous annuel avec le Maître.

Ce samedi, nous avons honoré Alain Gallais pour ses 40 ans de pratique de l’Aïkibudo et les éminents services rendus à sa cause et à son développement. Dans son allocution, Alain Gallais a dit que sans moi, il n’y aurait pas eu d’Aïkibudo en Haute-Normandie. C’est peut-être vrai, c’est probablement vrai mais je dois ajouter que sans Alain Gallais, je n’aurais jamais pu construire cette région qui a été magnifique. C’est lui qui a démêlé toutes les tracasseries administratives, qui a suivi les innombrables démarches, traité un fatras de courrier pour aider les clubs à se développer et la région à devenir autonome.

Tous les pratiquants de la région lui sont redevables. Sans lui, aucun Yudansha, du plus modeste au plus haut gradé, n’éprouverait le plaisir discret et incommensurable de porter le hakama...

Où étaient-ils, tous ceux qui ont bénéficié de ses services ? J’étais très peiné par l’absence de la plupart des Yudansha dont certains se rengorgent d’un grade élevé. Leur grade tant convoité, ils l’ont récolté sur une magnifique construction, œuvre pour une grande part d’Alain Gallais.

 

L’ambition prend aux petites âmes plus facilement qu’aux grandes, comme le feu prend plus aisément à la paille, aux chaumières qu’aux palais. (Nicolas de Chamfort)

 

Toute la Normandie se devait d’être présente ce soir-là pour l’honorer et le fêter. J’ai de la peine pour ceux qui, ayant obtenu le hochet tant convoité, car un grade qui ne sert qu’à flatter l’ego n’est qu’un hochet dérisoire, n’ont pas jugé utile de se déplacer pour participer à un stage national organisé à leur porte et dire au revoir à un ami.

 

On passe souvent de l’amour à l’ambition, mais on ne revient guère de l’ambition à l’amour. (François de La Rochefoucauld)

 

Maître Alain Floquet lui a remis le diplôme d’Honneur de l’Aïkibudo signé par André Tellier, membre fondateur du Cera, Alain Roinel, DTN adjoint au fondateur et Alain Floquet, fondateur de l’Aïkibudo.

 Gallais-diplome-v.jpg

Tous ceux qui l’aiment et qui lui sont reconnaissants pour son engagement, son dévouement et sa gentillesse étaient là pour l’applaudir chaleureusement.

 

gallais 3

La sincérité est de verre ; la discrétion est de diamant. (André Maurois)

 

 

 

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24 mai 2010 1 24 /05 /mai /2010 16:25

 

La femme est tout ce que l'homme appelle et tout ce qu'il n'atteint pas. (Simone de Beauvoir)

 

Personne ne parle de toutes celles qui ont été de passage dans nos clubs. On les a oubliées. Elles ont pourtant partagé une étape de notre vie et contribué à la « construction » de notre Art.

 

Je veux dédier ce poème
À toutes les femmes qu'on aime
Pendant quelques instants secrets
À celles qu'on connaît à peine
Qu'un destin différent entraîne
Et qu'on ne retrouve jamais

 

Mon parcours martial est marqué de nombreuses rencontres féminines. Tendresse et amitié, le plus souvent. Le prestige du maître a pu faire germer des tentations mais je n'ai guère le goût des aventures.

Toutefois, de jolies rencontres ont été essentielles dans le cours de mon évolution. La fluidité de nos relations, dégagées des aspérités inévitables quand elles ont lieu entre hommes, m’a certainement éveillé à la fluidité de la technique. J’ai gardé la délicate saveur de ces belles amitiés que certains prétendent impossibles entre un homme et des femmes. Je vais tâcher d’évoquer celles qui m’ont  aidé à prendre du recul avec la pratique rugueuse de mes origines, à polir rencontre après rencontre un caractère plus proche du silex que de l’opale...  

 

À celle qu'on voit apparaître
Une seconde à sa fenêtre
Et qui, preste, s'évanouit
Mais dont la svelte silhouette
Est si gracieuse et fluette
Qu'on en demeure épanoui

 

1969. Un bouquet de quatre jeunes femmes fleurit la première année de mon premier club. J’étais le plus âgé avec... 28 ans, petit coq très fier de son 1er dan tout neuf.

 femmes aïki (1)

 

Nous travaillions les Tai Sabaki avec des poignards en caoutchouc. Achemi, un solide Kabyle bâti comme un dieu grec, l’œil féroce, attaqua une jeune pratiquante, Véronique, qui poussa un hurlement strident et courut s'enfermer dans les vestiaires d’où je ne pus la faire sortir qu’avec beaucoup de persuasion.

J’emmenai mon petit groupe d’élèves à notre premier stage, offert par la FFJDA au CREPS d’Houlgate. Les « Maîtres » s’étant décommandés, j’avais été promu directeur technique du stage. Et en plus, les minettes que je chaperonnais étaient mineures, en ce temps-là la majorité ne s’atteignait qu’à 21 ans. C'est fou le temps que j'ai pu passer à les récupérer dans les chambres des futurs profs de gym ! Quel métier !

 

 femmes aïki (2)

Ma frêle épouse a un défaut : elle déteste les grossiers personnages. Et le jour où elle eut en face d'elle un partenaire aviné, elle fut prise d'une colère froide et commença à le faire valser d'un bout à l'autre de la salle (elle pesait un gros quarante-cinq kilos et l'autre en accusait bien soixante-quinze !) et soudain, d'un atémi bien appliqué, elle l'expédia dans le vestiaire. L'autre se releva, partit se dessoûler et elle retrouva le calme et la douceur que nous lui connaissions.

 femmes aïki (3)

Le 19 décembre 1969, premier passage de grades du club, quatre ceintures jaunes étaient décernées et ma femme était parmi les lauréats. Pour l'occasion, Paris-Normandie nous accorda une photo et un bel article. Ma petite fille, réveillée, figurait sur la photo pompeusement titrée : « LA PLUS JEUNE ADEPTE DE L’AÏKIDO DE FRANCE : UNE MALAUNAYSIENNE » et le journaliste n'avait pas omis de citer : « KARINE, 2 ANS » !

 femmes aïki (4)

1970. Un groupe d’élèves infirmières enrichit mon petit club, déjà riche d’une honnête renommée, de sa fraîcheur et de sa fantaisie. Jeunes femmes libérées, libres de leur corps et de leurs idées, elles étaient plus proches d’un mouvement hippie citadin que du féminisme pur et dur. Joyeuses, fantaisistes, elles tentaient de me convertir aux bienfaits d’un certain Yoga égyptien. Ma mémoire n’a pas su retenir une anecdote plus personnelle, ni même leurs prénoms... Quelques pas ensemble sur la Voie des Arts Martiaux et puis elles sont rentrées dans le monde qui les attendait, plus ordonné et conventionnel que celui auquel elles avaient cru.

 femmes aïki (5)

 

À la compagne de voyage
Dont les yeux, charmant paysage
Font paraître court le chemin
Qu'on est seul, peut-être, à comprendre
Et qu'on laisse pourtant descendre
Sans avoir effleuré sa main

 

1977. La section piétina cette année-là, et il n'y eut guère de nouveaux inscrits, mais je ne faisais pas grand-chose pour attirer la clientèle. Début septembre, une jeune fille me demanda des cours particuliers pour apprendre rapidement à se défendre, car elle allait partir pour le Pérou où pas mal de jolies touristes avaient de gros ennuis dans des postes de police locaux. Je lui conseillai de s'acheter un 7,65 ou de rester en France.

Une autre fois, un frêle intellectuel chevelu-barbu vint s'inscrire. Il voulait pratiquer notre Art parce qu'il était, disait-il, non-violent.

 «   Vous êtes-vous déjà battu ?

-   Non, jamais!

-   Alors, vous n'êtes pas un non-violent, vous êtes un trouillard. »

Bien sûr, il ne s'inscrivit pas...

 

Un soir de l’hiver 1978, à la fin d'un cours, j'eus la visite de trois ravissantes personnes. Elles savaient qui j’étais, ce que j’enseignais et souhaitaient s'inscrire. Je leur demandai leurs motivations.

 « Nous en avez assez d'être violées le soir, à la sortie des cinémas... »

Drôles d'habitudes ? Je compris qu'elles parlaient au nom de l'ensemble des femmes, elles militaient au MLF. Alors, je leur répondis :

 « Vous savez, mignonnes comme vous l'êtes, avec les gaillards qui sont là, vous avez toutes les chances d'être violées à la fin du cours ! ».

Les jolies demoiselles gloussèrent et s'inscrivirent, il semblait que ma boutade quelque peu dépourvue de finesse ne les avait pas trop choquées.

Hélas, leurs capacités physiques n'étaient pas à la hauteur de leurs espoirs. Ni leur persévérance. Après deux ou trois semaines de courbatures, de difficulté à donner des coups de poing, de frayeur à l'idée d'effectuer une roulade, avant ou arrière, elles abandonnèrent.

Un mois plus tard, une revue pédagogique locale, plutôt « gauchisante », publiait un pamphlet vengeur intitulé : « Appel international des femmes ». On y fustigeait les clubs d'Arts Martiaux et leur tradition élitiste (le salut par ordre de grade !), militariste et sexiste. Ou on donnait un enseignement au rabais ou on brutalisait ces chéries ! Il fallait créer des milices féminines, organiser des cours gratuits pour des femmes, dirigés par des femmes, en un mot, trouver un Art martial réellement féminin... (J'ai appris depuis que ça existait au Québec, les hommes y étant formellement interdits : techniques secrètes !)

 

À la fine et souple valseuse
Qui vous sembla triste et nerveuse
Par une nuit de carnaval
Qui voulut rester inconnue
Et qui n'est jamais revenue
Tournoyer dans un autre bal

 

Quand Karine eut dix ans, elle entra en sixième au collège de Darnétal. C'était  une jolie blondinette, sage et bonne élève, ce qui déplut à quelques harpies qui l'agressèrent dans les toilettes. Il en résulta une fracture du poignet. Quand elle fut guérie, pour lui apprendre à se défendre, je l'emmenai dans mon club suivre les cours d'Aïkibudo avec les adultes dont elle devint la petite mascotte. Si j'emmenai la sœur, je devais emmener le petit frère, Stéphane, qui était au CM2, dans ma classe. Et puisque Stéphane venait à mon cours, son ami Christophe vint me demander de le prendre aussi... Karine est passée, comme Stéphane, Christophe est resté pour devenir mon plus prestigieux disciple.

 

1980. À l’approche de la quarantaine et de la plénitude intellectuelle et physique, une confiance accrue dans ma technique et ma pédagogie, ma région qui s’étoffait, mon club qui brillait dans le monde des Arts Martiaux, m’avaient conféré une solide stature régionale. À cette époque, ma route a accompagné quelque temps celle de charmantes personnalités.

 

Liliane, douce et sombre, était un peu perdue loin de son Marseille natal. Nous habitions dans le même village et je la prenais au passage en allant au club. Le dernier soir de la saison, après le cours, les yeux humides et brillants, elle me tendit un petit paquet, modeste cadeau d’adieu. Tout imprégnée de Normandie, elle retournait dans sa région d’origine. J’ai failli me perdre dans ses grands yeux noirs.

Appelons-la Cathy, je ne me rappelle plus son prénom bien que je revoie son visage et que je me la représente sans mal aussi bien en kimono qu’au sortir du vestiaire.  Plutôt douée, dotée d’une robuste élégance, elle était de celles avec qui j’aimais m’attarder pour échanger quelques mots. Et puis elle m’envoya une lettre pour m’expliquer qu’elle déménageait, qu’elle ne pourrait plus assister aux cours, qu’elle le regrettait... et je lui répondis en lui disant tout le bien que je pensais d’elle et tout ce qui peut se dire de gentil à quelqu’un qu’on ne reverra plus. Quelques jours plus tard, elle était de retour. J’ai dû être un moment désarçonné d’avoir dévoilé le monde secret de mes pensées et de mes sentiments.

Zouzou, j’ai oublié son prénom, vive et fraîche, nous captivait avec ses  yeux si verts et sa gaieté communicative. Je me rappelle qu’elle était très attirante et, pourtant, je n’ai plus de souvenir précis de nos conversations sinon qu’elles étaient teintées d’humour, je n’ai aucune anecdote qui vienne illustrer notre relation si ce n’est le bonheur que nous éprouvions quand nous nous retrouvions après une trop longue séparation.

Nathalie était une aristocrate douce et timide, aux immenses yeux bleus. Elle est revenue pendant quelques années, souvent après des périodes d’absence plus ou moins longues. Une amitié pétrie d’une grande tendresse nous reliait. Elle me contait d’étranges histoires nées de ses dons de spirite dont elle avait pris conscience quand elle était encore une fillette. Elle a été un peu mon initiatrice dans ce domaine étrange du monde de l’ésotérisme. Je n’ai pas persévéré sur cette Voie où mes réussites allaient à l’encontre de mes certitudes...

 

À celles qui sont déjà prises
Et qui, vivant des heures grises
Près d'un être trop différent
Vous ont, inutile folie,
Laissé voir la mélancolie
D'un avenir désespérant

 

Il n’y a pas eu que des muses, des égéries ou de gentilles fées dans mon petit monde féminin. Ma route a été quelque temps suivie par Altaïr... C’est le pseudonyme qu’elle utilisait pour son horoscope quotidien sur une radio locale. Altaïr avait été quelque chose comme « porteuse des clés » dans une loge ésotérique locale. De l’ésotérisme aux Arts Martiaux, il n’y avait qu’un pas, du moins pour elle. Elle le franchit, s’inscrivit à mon club, s’étonna des efforts à produire et préféra s’appliquer à prendre des poses assises et plus ou moins lascives et à me lancer des regards non moins lascifs. Elle m’ennuyait beaucoup et je n’éprouvais aucune, mais alors vraiment aucune sympathie pour elle. Je croisai son mari dans un grand magasin de Rouen. Il avait la mine défaite quand il m’aborda : « Il faut que je te parle... ». Je n’éprouvais pas plus de sympathie pour lui que pour sa femme et la bande d’allumés qu’ils côtoyaient. « Vas-y, parle ! ». Il me fixa, l’œil éteint, et s’en fut. Altaïr n’insista pas dans son entreprise de conquête ésotérique d’un Maître des Arts Martiaux et s’en fut chasser sur d’autres terres. Je ne voudrais pas laisser une impression négative d’Altaïr. Sa présence dans mes souvenirs est la preuve qu’elle a contribué à mon ascension. Elle m’a aidé à élaguer ma naïveté.

 

J'avais un faible pour Catherine. Elle accomplissait un excellent travail à Saint-Étienne-du-Rouvray et je décidai de la présenter au 2e dan. Je lui appris les techniques du programme en deux dimanches d’un travail très intense qu'elle le supporta courageusement. Je ne sais plus pourquoi je ne pouvais pas l'accompagner. Elle partit seule pour Paris, précédée d'une lettre de recommandation. Le maître me répondit que j'avais bien fait de la lui recommander, elle avait été en tous points remarquable.

Le groupe habituel des coureurs de stages, c'est-à-dire Jean-Marc Fiess, Bruno et Éric Lemercier et moi, nous emmenâmes Catherine un dimanche matin au Stadium. Elle était très intimidée, nous connaissant seulement sur le tatami, nous étions ses maîtres ! Chemin faisant, pour oublier la longueur de la route, nous médisions sans retenue comme à l'accoutumée. Tout le monde y passait et Catherine nous écoutait, ahurie. Et puis, c'est normal, le fou rire la prit, car nous sommes très amusants, voyez-vous. Et une demoiselle qui rit beaucoup a soudain envie de faire pipi. Cela la prit avant le triangle de Roquencourt. Elle était très crispée à l'entrée du tunnel de Saint-Cloud. Je l'enjoignis de ne pas souiller la banquette de ma GS à l'entrée du périphérique sud. Elle pleurait presque à la porte d'Italie. Elle se délivra enfin à l'entrée du Stadium.

 

Chères images aperçues
Espérances d'un jour déçues
Vous serez dans l'oubli demain
Pour peu que le bonheur survienne
Il est rare qu'on se souvienne
Des épisodes du chemin

 

Mes voyages au Québec, dès 1989, m’ont fait rencontrer de belles personnalités. La plus flamboyante est certainement Fanny, un « Titi » aux boucles rousses et au langage particulièrement pittoresque. Bien que nous ayons immédiatement sympathisé, un nuage faillit ternir nos relations le temps... d’une très courte querelle. Fanny s’occupait d’un refuge de femmes battues, un fléau au Québec. Un soir, elle se plaignit de la faible fréquentation du foyer. Elle sortit de ses gonds quand je lui dis : « Ne te tracasse pas, on va t’en battre quelques-unes, comme ça tu auras des clientes. ». Je préfère ne pas répéter ses propos. Elle m’aimait bien et m’a vite pardonné. Nous nous sommes revus après 15 ans d’absence, avec tout plein d’émotion à peine retenue.

 

femmes aïki (6)

Dominique était une très jolie jeune femme, blonde et espiègle, aux yeux d’un azur si profond qu’on aurait pu s’y noyer. C’était une vraie petite bombe sur le tatami de Beauport. Sa présence éclairait mon cours déjà riche de nombreux stagiaires. Je la complimentai pour ses magnifiques yeux bleus, que voulez-vous, ce doit être le fait d’être myope, je suis attiré par les jolis yeux... Elle afficha un merveilleux sourire, m’envoya un vigoureux coup de coude dans le flanc, à me couper le souffle, et se mit à roucouler : « Vous, les Français, ce que vous êtes flatteurs ! ».

Elle ne me fait pas oublier Marylin, sage et studieuse. Elle n’était plus toute jeune, plus proche de ma génération. Nous avions de passionnantes conversations. Elle s’était plongée dans l’étude particulièrement ardue du Zen. Elle m’a fait découvrir de nouvelles facettes des « peuples premiers », les Amérindiens dont la culture lui inspirait un profond respect. La dernière fois que j’ai eu de ses nouvelles, elle avait entrepris d’apprendre la langue très, très complexe des Inuit et elle était partie dans une autre école.

Catherine D. avait fait partie de mon premier voyage au Québec. Au moment où elle devait passer son 1er dan, j’étais souffrant et je m’étais éloigné du tatami. Mais elle n’avait accepté de passer son grade que si je présidais le jury. Ce qui détermina mon retour. Cette année-là, je fus invité à donner quelques cours d’initiation aux policiers de Beauport. Le partenaire de Catherine la dépassait de la tête et des épaules et devait se demander s’il devait la prendre délicatement entre le pouce et l’index quand elle l’expédia cul par-dessus tête contre le mur du dojo. Elle eut droit à une balade en voiture de police tous feux clignotants et sirène hurlante !

Plusieurs jeunes et charmantes personnes sont venues  apporter leur touche de fraîcheur sur le tatami de Beauport quand j’y ai donné mon dernier stage d’été.

Julie était un véritable trésor de tendresse, une bombe émotionnelle ! L’idée de devoir repartir à Montréal lui faisait monter les larmes aux yeux. Et quand elle revenait, elle se pendait longuement à mon cou, ronronnant de bonheur. Mon cœur d’artichaut se liquéfiait et perdait toutes ses feuilles... et je reprenais aussitôt mon contrôle car mon calendrier interne avait déjà franchi le demi-siècle et la petite Julie avait l’âge de ma fille.

Cette année-là, j’avais remarqué une jeune femme très discrète. Sophie, une « gazelle bondissante »... Yudansha au hakama tout neuf, sa souplesse, son dynamisme et sa joie de vivre m’étaient sympathiques d’autant plus qu’elle exprimait tout cela avec la plus grande discrétion. Je la connaissais assez peu, il me semblait que nos rapports étaient distants et j’ai eu une heureuse surprise quand j’ai reçu ce message : « ... cela fait déjà si longtemps depuis notre première rencontre à Beauport où j'avais trouvé un Maître qui nous parlait à nous, pauvres petits pratiquants de bas niveau, comme si nous faisions déjà partie de sa famille.  Une personne qui n'avait pas peur de nous parler de ses expériences et qui m'avait vraiment impressionné par son ouverture et son amitié toute simple.  Depuis ce temps vous êtes resté dans nos pensées et dans notre coeur... »

Beaucoup d’autres dont il me reste un regard, une conversation. Brèves rencontres. À Montréal, une très courte sympathie naîtra le temps d’une soirée avec Nicole, l'ostéopathe et « Bilbo », le petit lutin... Nous avons parlé de leur Québec, de ma Normandie, de nos professions. Bilbo enseignait le français aux étrangers. Et elle avait un accent à dévaler les torrents ! Or, je venais de vivre une expérience éprouvante. La semaine précédente, nous avions été invités à une réception au consulat du Japon. Après une superbe séance de calligraphie, ce fut le discours de bienvenue du consul... Je fus pris d’un irrépressible fou-rire, impossible de résister au comique d’un Japonais parlant.. avec l’accent québécois. Monsieur le consul avait été initié à notre belle langue par Bilbo !

Le Web n’existait pas encore. L’éloignement, par la distance et par le temps, a généré l’oubli. Je ne saurais pas les reconnaître, peut-être ai-je rêvé ces souvenirs.

 

Mais si l'on a manqué sa vie
On songe avec un peu d'envie
À tous ces bonheurs entrevus
Aux baisers qu'on n'osa pas prendre
Aux cœurs qui doivent vous attendre
Aux yeux qu'on n'a jamais revus

 

Il me faudrait encore évoquer les rencontres faites durant les stages au Temple sur Lot.

 

La petite Mumu naviguait sur le Lot en planche à voile avec son petit cocker Polka en figure de proue. Quand nos regards se sont croisés, en ce premier jour du stage de 1979, il m’a semblé que nous nous connaissions déjà. Depuis longtemps. Son sourire éclatant n’en était-il pas la preuve ? Depuis, nous avons souvent eu l’occasion de comparer notre culture, d’échanger nos lectures, de mettre en commun un peu de notre vision d’un monde meilleur...

Corinne, une liane vaporeuse, semblait chercher ses marques. Le Maître me l’avait confiée le temps d’un stage. Il voulait que je lui donne confiance, que je la guide. Elle me donnait l’impression d’une fillette studieuse et attentive qui aurait poussé trop vite. Elle affichait un sourire lointain, comme si elle était en marge de mon monde. Je ne sais pas si je lui ai laissé un bon souvenir.

 Laura était prof de philo et prenait énormément de recul avec les bavardages agités des stagiaires. Elle faisait un excellent thé au zest d’orange grillé que nous dégustions au cours de longues conversations que j’espérais d’une haute tenue philosophique. Elles l’étaient sans contestation en ce qui la concerne... J’avais encore à trouver mon chemin entre le doute et les certitudes. Entre les pirouettes et la mauvaise foi !

 

Années 90. Nolwenn, petite puce malicieuse et déterminée, est apparue sur mon tatami en compagnie de son amie Barbara qui chevauchait les nuages. Du haut de leurs 15 ans, elles me firent découvrir une nouvelle génération plus jeune que celle de ma fille... Adolescentes respectueuses et appliquées, au regard interrogateur et capables d’en remontrer à de vieux pratiquants ! Nolwenn était vraiment menue, avec des mains si fines ! Mais quelle énergie dans ses 40 kilos toute mouillée ! Il n’était pas rare que des Yudansha d’autres clubs soient de passage à mon cours. Ce soir-là, j’eus la visite de 2 personnages rustiques et gorgés de testostérone... Ils étaient encore bien loin d’aborder les rives exotiques de la fluidité. Nous travaillions le Kihon Nage Waza. Leur lourdeur, leur imprécision m’exaspéraient et c’est la petite Nolwenn qui sut leur faire comprendre ce que signifiait précision et efficacité. Elle semblait n’avoir peur de rien ni de personne.

 Barbara éprouvait parfois des difficultés, souffrant épisodiquement de migraines, de problèmes d’équilibre, conséquences d’un accident qui l’a écartée d’une carrière prometteuse dans le domaine de l’équitation. J’aurais voulu l’aider, lui redonner confiance. Elle revenait toujours après de longues interruptions. À la porte du Shodan, elle a définitivement cessé de venir et de m’adresser son regard interrogateur. Je l’ai peut-être trop longtemps considérée comme une petite fille.

Mireille est arrivée au club un soir de septembre, le visage illuminé d’un grand sourire, comme si c’était la veille que nous nous étions vus pour la dernière fois. Elle avait été mon élève au CM2 en 1980. Une grande fillette très douée et débordant d’affection. Sa joie de vivre allait apporter un peu de lumière supplémentaire à notre tatami. Sa vie devait être un peu compliquée, il lui est devenu difficile de venir aux cours. J’ai été peiné quand elle m’a dit au revoir, comme si c’était un adieu.

Marie-Luce fréquentait déjà le tatami quand je suis revenu donner régulièrement un cours par mois. Elle semblait avoir l’âge de ma fille. Timide et maladroite, elle rosissait facilement. Elle me faisait confiance et se risquait à effectuer ces roulades qui l’effrayaient tant. À la fin de la saison, elle m’a envoyé un message : « ... je ne pensais pas parvenir à faire une roulade avant, cette année. C'est pas terrible mais il faut continuer ! Vous aussi vous devez CONTINUER À ÊTRE LÀ ! LAISSEZ-VOUS CONVAINCRE... ». Elle a cessé de venir. Je m’étais habitué à ses frisettes et à son nez retroussé qui m’ont manqué à la rentrée...

 

Je devrais en citer tant d'autres que j'ai plus ou moins oubliées et dont les visages défilent puis s'estompent au fur et à mesure que je tente d'égrener mes souvenirs.


Alors, aux soirs de lassitude
Tout en peuplant sa solitude
Des fantômes du souvenir
On pleure les lèvres absentes
De toutes ces belles passantes
Que l'on n'a pas su retenir


Belles passantes, vous ne me faites pas oublier celles qui sont restées.
 

Béatrice, fidèle amie depuis plus de 20 ans. Impossible de dire comment est née notre amitié. Elle est née... femmes aïki Béa 2Et Jojo . « Jojo ? Arrête, m’a dit Pierre, tu as dit que tu parlerais des filles ! » Je les laisse régler leurs différends...femmes aïki Jojo

 

 

Et l’Aïkibudo dans tout ça ? 

Tout le monde veut vivre plus longtemps, mais personne ne veut devenir vieux. (Jonathan Swift)

C’est peut-être pour ça que je radote les souvenirs de ma gloire passée.

 

 

 

J’ai longuement hésité avant de proposer cette série de brèves anecdotes. Leurs héroïnes ont contribué à l'écriture de notre histoire. Aurais-je dû demander leur autorisation à toutes celles que j’ai mises en cause ? Notre image, notre histoire nous appartiennent-elles encore quand nous avons participé, consciemment ou non, à l’édification d’une œuvre d’Art aussi importante pour l’évolution de l’humanité que l’Aïkibudo ? Ai-je trop abusé, dans mon récit, des grands yeux, des regards, de la tendresse ? On a toujours le choix mais choisir est si difficile !

 

Le poème qui illustre ce texte, écrit par Antoine Pol (Émotions poétiques), fut magnifiquement mis en musique par Georges Brassens.

« ...C'est en 1942, au marché aux puces de la Porte de Vanves, à quatre pas de ma maison, que j'ai chiné, pour quelques sous, une plaquette de poésie publiée en 1913. Si j'ai mis en musique des oeuvres de poètes parmi les plus grands, Villon, Hugo, Lamartine, Verlaine ou Paul Fort, j'avais été touché par la grâce et l'émotion qui se dégagent de cette confidence intimiste d'un poète inconnu, Antoine Pol. Et ce n'est que trente ans plus tard que j'ai livré cette chanson, après avoir longuement hésité entre quelques variantes de rythme et d'interprétation. Jusqu'à trouver celle qui soutienne le plus adéquatement ce texte.
Au moment de graver cette chanson sur mon onzième 33 tours, mon secrétaire Gibraltar déploya sa très efficace ténacité à retrouver ce trop discret Antoine Pol. Un rendez-vous fut fixé où je souhaitais offrir à l'auteur la primeur de ma chanson et recueillir son autorisation. Mais le brave octogénaire eut la malencontreuse idée de casser sa pipe juste avant notre rencontre. Il n'a jamais entendu la chanson qui, il faut bien l'avouer, risque d'être le seul lien qui lui évite de sombrer dans le gouffre de l'oubli, possiblement la hantise de tout poète. »

 

 

 

Si vous aimez cette chanson, écoutez la version de Maxime Leforestier...

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22 mai 2010 6 22 /05 /mai /2010 18:14

 

Les êtres humains sont très attachés à tout ce qu’ils croient. Ils ne cherchent pas la vérité, ils veulent seulement une certaine forme d’équilibre, et ils arrivent à se bâtir un monde à peu près cohérent sur la base de leurs croyances. Cela les rassure, et ils s’y accrochent inconsciemment. (Laurent Gounelle, L’homme qui voulait être heureux)

 St Léger 1

Pas facile de triturer une idée au fil des lignes qui noircissent la page sans l'illustrer du contenu d’un cours qu’un « événement indépendant de ma volonté » ne m’a pas permis de donner.

Indépendant de ma volonté ? Si je croyais à la théorie des actes manqués, je penserais que, ayant eu un accès de mauvaise humeur, j’ai retourné mon irritation contre moi pour me punir d’un sentiment de frustration... Non, c’est vraiment trop fumeux.

Mario est taquin. J’en viens à regretter de l’avoir ménagé, de l’avoir traité avec modération au cours de mes pérégrinations outre Atlantique. Ne voilà-t-il pas qu’il m’adresse un courriel aussi court que laconique : « Et puis, comment se passe la convalescence jusqu'à maintenant ? » ce à quoi je lui réponds : « GGGRRRRRRRRR ! ». La seule réplique de ce mauvais bougre est un sarcasme : « Alors je comprends que c'est la TOTALE !!! Bon repos tout de même !  »

Le sentiment de frustration, il est là, dans le fait que je suis censé me tenir éloigné du tatami pendant quelque temps. Pour résister à la tentation de « leur » démontrer que leurs représentations sont erronées, leurs souvenirs sans fondements...

Il paraît que chacun de nous porte en lui une constellation de croyances. Quand on est convaincu d’une chose, elle devient la réalité, notre réalité. Gare à qui tenterait de la démonter !

 St Léger 2

Chacun de nous se fait des représentations de la réalité qu’il considère comme la vérité, sa vérité. Pour s’en convaincre, on sélectionne ses souvenirs, on les modifie, on les déplace dans l’espace et dans le temps. « L’autre fois, vous nous avez montré cette technique de telle façon, Sensei... ». Bon sang de bois, je n’ai jamais montré ça !

Tout cela s’imbrique, s’interpénètre, s’embrouille en un nœud inextricable d’où l’on tire les fils avec lesquels nous tissons notre vie relationnelle.

Ceux qui ont besoin d’un guide choisiront celui qui semble le plus représentatif de leurs croyances. Tant qu’ils le voient éclairer leur route bien balisée, ils le juchent sur un piédestal mais s’il ne correspond plus à leurs représentations, ils l’abattent sans état d’âme.

Notre Art nous fournit les outils propres à nous aider à faire naître des sensations, à libérer notre corps de notre intellect, à nous dégager de nos croyances, à nous extraire de nos représentations. Sous réserve de ne pas nous enfermer dans un dogme.

 St Léger 3

C’est si confortable, les certitudes. La notion de mouvement est séduisante, c’est un concept qui fait rêver mais c’est... difficile à atteindre, si difficile. Ni barrière ni garde-fou. La liberté est si contraignante. Faire des choix est si stressant, si angoissant.

Quand j’étais enfant, j’avais vu Tarass Boulba, un film de 1936, avec Harry Baur (ça ne vous dit rien ?). Je me rappelle surtout cet échange (mon souvenir est approximatif, c’est le propos qui compte) : « Que préfères-tu, que je te tire une balle dans la tête ou qu’on t’écrase le ventre avec une roue de charrette ? – Choisis pour moi, Tarass. ». Étrange, cette incapacité à choisir, même dans les situations les plus critiques.

On a toujours le choix. On fait régulièrement des choix même si ce ne sont pas nécessairement les meilleurs. En fait, nous ne sommes pas toujours libres de bien choisir car nous obéissons à des croyances, des représentations mentales nées d’injonctions reçues pendant notre enfance, nous vivons parfois un scénario écrit par notre environnement familial. Et dans ce cas, c’est souvent un scénario catastrophe.

Nous pouvons nous en libérer si quelqu’un nous ouvre la porte, nous donne le droit d’être libre. C’est la rencontre avec le Maître que décrivent les contes. Ce Maître peut être n’importe qui, même un parfait inconnu, ou encore soi-même...

 St Léger 4

Pour moi, ce fut la lecture du livre d’un psychologue américain, Eric Berne : Que dites-vous après avoir dit bonjour ? Eric Berne est le concepteur de l’analyse transactionnelle. Il explique que, dans notre enfance, nous recevons des injonctions, positives ou négatives, et qu’en fonction de nos actions, nous recevons comme autant de tickets que nous collectionnons : tickets dorés ou tickets caca d’oie... À l’âge adulte, nous recevons le « cadeau » correspondant aux tickets collectionnés sous forme d’un scénario de réussite ou d’échec.
Mon explication simpliste confinerait à la caricature. Lisez donc cet ouvrage. Il a grandement contribué à me libérer et à me donner une certaine aisance pour partager mes connaissances. Ce que je peux faire, tout le monde peut le faire. C’est le sésame qui autorise chacun à faire ses propres choix : « Tu peux le faire. Tu en as le droit. »
Et où est le fil conducteur dans ce fatras, ce galimatias ? M’y voilà. Mon assurance me demande un certificat médical de constatation des blessures. C’est vendredi. Je rédige un courrier à mon médecin traitant, en lui suggérant de passer une radio, et je le dépose au cabinet médical. Samedi en fin de matinée, je récupère la réponse : pas de certificat mais une ordonnance pour une radio.
C’est un week-end prolongé, je risque d’attendre une semaine avant d’avoir un rendez-vous. Après le repas de midi, je vais aux urgences de la clinique voisine. Au service radiologie, on veut bien me prendre mais avec une ordonnance du médecin des urgences. Je descends au secrétariat où une aimable jeune femme tamponne mon ordonnance pour que je puisse l’utiliser. Je passe la radio, redescends porter le cliché au secrétariat et je vais faire la queue dans la salle d’attente... bondée.
Dans le couloir, j’entends une voix connue : Ludovic, médecin urgentiste, est de garde. Il trouve normal de proposer ses services à son vieux Maître. Examen des radios. Palpation des côtes. Rien de grave. C’est probablement un gros hématome qui avait causé les symptômes éprouvés il y a 10 jours.
Dans 2 semaines, il ne devrait plus rien y paraître. Je pourrai donc rattraper un cours en retard et... régler quelques comptes... je plaisante, je ne suis pas rancunier. Pas toujours, devrais-je dire...

 St Léger 5

L’être humain se complaît dans le laisser-aller, mais s’épanouit dans l’exigence de soi. (Laurent Gounelle, L’homme qui voulait être heureux)

 

On ne peut pas toujours être génial. (Moi, après avoir relu cet article)

 

Personne ne peut vous révéler plus que ce qui repose déjà dans l’aube de vos connaissances. (Khalil Gibran)

 

 

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15 mai 2010 6 15 /05 /mai /2010 16:53

69 ans ! Un sacré cadeau !

 

Dimanche matin. Préparation de mes trois candidats au grade supérieur. Jaafar voit, observe et analyse. Son esprit est très analytique. Il sait décrire une sensation qu’il vient d’éprouver et expliquer le mouvement qu’il a ressenti.

« Vois, le Maître garde les bras tendus et ainsi, il se trouve à la bonne distance, il est bien placé. »

L’Aïkibudo est un merveilleux outil mis à notre disposition pour nous aider à nous libérer, à casser les réflexes conditionnés pour laisser place aux sensations et aux réactions adaptées.

C’est ce que je m’efforce d’enseigner, c’est une longue Voie, ça représente plus de 40 années de mon existence.

La quête de la liberté n’est pas exempte de pièges. On peut briser un vieux conditionnement pour se laisser prendre à un nouvel automatisme.

J’ai eu un esprit analytique, j’ai été un observateur critique. On m’a autrefois appelé « le théoricien de l’Aïkibudo » ! L’aisance peut se laisser prendre aux rets de la facilité.

Ma paresse naturelle m’a permis de me laisser succomber aux délices de la sensation. J’exécute un mouvement comme il vient, sans objectif particulier et la technique se place. Misère, je ne sais pas expliquer ce que j’ai fait !

Jaafar me dit : « Maître, vous placez votre poignet comme ça, vous utilisez les doigts de telle façon et la clé est placée... », alors l’esprit critique et analytique se réveille, fait le tri dans les 40 années de souvenirs stockés dans les méandres du cerveau et retrouve l’explication, la justification de chaque étape du mouvement. Forme de base, variantes, annexes sont finalement expliquées de façon aussi rigoureuse et ordonnée qu’il me semble souhaitable de le faire. Attention à ne pas s’endormir dans le confort de la liberté !

aiki-shiho-nage-2.gif 

Mercredi soir, à 18 h, j’ai retrouvé Pierre et Jeannot pour une heure d’entraînement informel. Diverses techniques manuelles sont abordées dont une ébauche de stratégie vers les Wa no Seishin. Nous avons travaillé avec le Jo. Défense à mains nues contre un adversaire armé puis utilisation du Jo pour le maîtriser. Il faut l’inciter à s’emparer du Jo car tant que la pointe est dirigée vers lui, il ne bougera pas... Diverses opportunités s’offrent suivant que Tori présente le Jo en garde haute ou en garde basse. Projections, immobilisations, clés...

Ensuite, nous abordons la recherche des mêmes sensations à mains nues. Uke saisit le bras de Tori de façon analogue à la saisie du Jo : au poignet et au niveau du coude. Tori décrit avec son bras saisi le même mouvement qu’il avait décrit avec le Jo. Irimi suivi de renversement direct, O Irimi accompagné de grandes évolutions...

Les autres participants sont arrivés et ont commencé à s’échauffer. Mon intention, ce soir, est de donner un cours les obligeant à s’investir, à donner le maximum d’eux-mêmes en leur proposant un entraînement de type compétition. Je vais employer une nomenclature empruntée au Judo, entendre des noms différents permettra peut-être d’oublier des habitudes erronées.

Qu’ils soient Tori ou Uke, beaucoup d’élèves partent perdants. Uke cesse d’attaquer dès qu’il entre en contact avec Tori, il chute avant de subir une action, en fait non, il ne chute pas, il se laisse tomber et s’écroule, moitié du corps tout mou, l’autre moitié absolument raide. Tori pense « qu’il n’y arrivera pas » alors, il n’entre pas, ses bras se relâchent mais comme Uke cède, il croit avoir réussi sa technique.

Partir avec l’illusion de gagner donne un résultat tout aussi faux, avec une gesticulation aussi inutile et inesthétique qu’inefficace.

Entrer avec un esprit de décision. Perdre ou gagner n’a aucune importance du moment que ce soit avec l’intention d’aller jusqu’au bout et d’agir avec élégance... Générosité et don de soi.

 

Le cours commence par une série classique d’exercices d’esquives intérieures et extérieures.

O Irimi sur Tsuki Chudan, par groupes de 4. J’ai introduit cet exercice dans notre belle région il y a bien... 40 ans ! Et chaque fois, j’ai l’impression que je le fais exécuter à des débutants. Toutes les inhibitions, toutes les représentations chimériques, toutes les erreurs s’expriment avec une prodigalité infinie ! Je les ai prévenus au début du cours mais ça les a fait sourire : ce soir, je vais grogner, comme au bon vieux temps !

Travail en ligne, le plus ancien au centre. Chacun doit attaquer à son tour puis reprendre place au bout de la ligne. C’est difficile parce qu’on confond vitesse et précipitation. Tori doit se placer au centre de la file et esquiver « sur place », c’est lui qui organise l’exercice.

Enchaînement, par groupes de 4, sur Omote Yokomen Uchi, Kubi Otoshi, forme fluide, avec roulade.

Pourquoi les élèves sont-ils allergiques aux roulades ? Plus ils sont approximatifs au niveau technique et plus ils se livrent avec délectation aux brise-chutes ! C’est nocif pour la colonne vertébrale et ça durcit le travail du groupe.

 

Uki Otoshi. Uke tente de saisir Tori au niveau des coudes. Tori entre Irimi en le repoussant et le saisit au revers et au coude. Sur réaction de Uke qui revient vers l’avant, Tori recule en posant le genou au sol et projette Uke avec une grande action des bras (sensation de tourner un grand volant).

Une variante est possible, Tori reste debout en effectuant sa projection. Les 2 acteurs doivent agir avec détermination, la chute est nettement plus rude, la roulade n’est pas possible.

judo uki otoshi

 

Yoko Otoshi. Même attaque, même riposte. Sur le temps de réaction, Tori glisse son pied droit vers l’extérieur et lance sa jambe tendue devant Uke qu’il entraîne avec le même mouvement de « volant » vertical que précédemment. L’axe de la projection est perpendiculaire à la jambe de Tori.

 judo yoko otoshi

 

 

Sumi Gaeshi. Même attaque, même riposte. Sur le temps de réaction, Tori glisse son pied droit entre les jambes de Uke et lance sa jambe tendue devant lui. Il l’entraîne en plaçant le pied droit sous le pli du genou arrière qu’il entraîne dans l’axe de la chute pour accentuer le déséquilibre, les bras l’entraînant avec le même mouvement de « volant » vertical.

 judo sumi gaeshi

Application en Uchi Komi : Tori entre 9 fois Yoko Otoshi,  Uke le retient et chute à la 10e entrée.

 

Koshi Nage, formes variantes. Entrée directe ou O Irimi.

Uke attaque en Ryote Dori.

Ryote Dori Koshi Nage : forme de base.

Uke tente une poussée ou une saisie à hauteur des épaules. Tori le contrôle en Ryo Sode Dori.

Ryo Sode Dori Koshi Nage en passant le coude sous les bras de Uke.

Application en Uchi Komi : Tori entre 9 fois et projette Uke à la 10e entrée.

Uke attaque en Ryote Dori.

Ryote Dori Koshi Nage, projection avec la « hanche flottée » : l’exécution est plus rapide et aérienne. Uke est « enroulé » horizontalement autour de la ceinture de Tori.

Tsuki Chudan Kote Gaeshi Koshi Nage : entrée de Kote Gaeshi. Uke se tasse pour refuser la projection. Tori enchaîne la forme Neji Kote Gaeshi en tendant le bras de Uke, entre et projette en enroulant le bras de Uke autour de sa hanche.

Omote Yokomen Uchi Shiho Koshi Nage : Tori entre Shiho Nage. Quand Uke est fixé, il entre et projette en « hanche flottée ».

 

Uchi Komi. Geiko. Randori. Les élèves sont à la limite de l’épuisement. Il faut rechercher le plaisir de se donner à fond, de dépasser ce qu’on croit ses limites. Des jeunes gens de 40 ans et moins ne doivent pas être impressionnés par les performances physiques d’un vieux monsieur presque septuagénaire.

Mais le vieux monsieur se croit sensé et les cours se suivent et se ressemblent. Soit un grand sec maladroit sur lequel son partenaire ne parvient pas à placer Kote Gaeshi Koshi Nage. Soit un professeur chevronné qui n’oublie jamais de donner des conseils de prudence aux jeunes enseignants : ne jamais jouer le rôle de Uke pendant un cours, éviter les maladroits et les brutaux en démonstration...

On arrive à la fin du cours, tout le monde est fatigué et le professeur veut aider un grand sec maladroit en lui faisant sentir la technique. Tsuki Chudan. Esquive. Kote Gaeshi. Entrée du Koshi... le grand sec se bloque, se cramponne au sol en pliant son bras pour résister à la tension. Le vieux professeur continue son mouvement et sent le coude du grand sec lui enfoncer les côtes au niveau du sternum... plus de voix pendant quelques secondes, il est en colère, contre le grand sec qui n’y est pas pour grand-chose si ce n’est d’être très maladroit, et surtout contre lui-même qui commet sans arrêt les mêmes imprudences comme s’il n’avait rien appris pendant ces décennies d’enseignement.

Le diagnostic est redoutable : fracture du cartilage. Un minimum de 6 semaines d’immobilisation. Clôture de la saison. En guise de cadeau d’anniversaire !

 

Plus nous nous sentons libres parce qu’on nous dit que nous sommes libres, plus nous acceptons de faire ce qu’on nous demande. (citation lue dans S&V JUNIOR et dont j’ai oublié l’auteur)

 

Peut-être faut-il être manipulateur pour obtenir de ses élèves adultes qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes. Si on dit quotidiennement aux petits élèves d’une classe primaire qu’ils sont mignons, qu’ils travaillent bien, que c’est la meilleure classe qu’on ait connue, ils sont heureux de venir en classe, le niveau s’élève et certains parviennent même à un niveau d’études a priori hors de leur portée.

 

Ne sois pas plus sage que nécessaire, tu deviendrais stupide. (L’Ecclésiaste)

 

 

Pardonnez-moi, amis lecteurs, j’étais maussade en rédigeant ces lignes. Mais est-il possible de narrer un moment de vie qui se déroule comme une tragédie classique avec hauteur et sérénité ? Des personnages aux traits grossis, des éclairages contrastés, des faits amplifiés pour donner le beau rôle au héros. De discrètes ouvertures pour offrir une chance d’absolution aux méchants. Le décor est planté. L’intrigue se noue, le suspens s’épaissit... blessure du héros, il faut bien finir l’histoire et faire pleurer dans les chaumières !

En fait, ce soir-là, personne n’a démérité. Les élèves sont toujours aussi attentifs aux démonstrations et aux corrections, soucieux de progresser et d’effectuer le mouvement le plus précis. Le niveau a juste été élevé d’un cran à l’intention des candidats... Les plus jeunes se sont efforcés de suivre le rythme en fonction de leurs compétences.

Ce temps hivernal qui n’en finit pas est source de fatigue, donc d’incidents, tout simplement.  

sourire-1.jpg

et on a bien sué !

 

 

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10 mai 2010 1 10 /05 /mai /2010 12:13

 

Peu importe ce qu’on pourra vous dire, les mots et les idées peuvent changer le monde. *

 Lembrun mai 2010 (15)

J’ai passé la première semaine du joli mois de mai chez mon fils, à Tournefeuille, au sud-ouest de Toulouse. Mon petit-fils, Matthis, 10 ans et 30 kilos tout mouillé, souhaitait que son Papé l’accompagne le 2 mai. Il faut vous dire qu’à l’issue de sa première année de compétition de Judo, il était sélectionné pour le championnat inter-départements benjamins.

A priori, je ne suis pas très favorable à la compétition pour les enfants, les timides risquent de devenir encore plus timides et les agressifs encore plus agressifs. Mais depuis le début de la saison, le petit bonhomme s’accroche et, après quelques « raclées » en début de saison, il s’est mis à remporter tournoi après tournoi...

Dimanche 2 mai, nous avons passé l’après-midi à la Maison du Judo de Toulouse. Rendez-vous à 13 h pour la pesée, début des éliminatoires vers 14 h 30. Quarts de finale vers 16 h. C’est long et pourtant, je ne me suis pas ennuyé un seul instant à regarder ces germes de champions combattre. J’avais gardé de ma longue traversée du monde des Arts Martiaux le souvenir d’interminables tournois de gamins patauds ou brutaux qu’il fallait subir avant de présenter nos démonstrations...

Le monde a bien changé, garçons et filles se livrent à de belles empoignades, amorcent des stratégies accompagnées d’une grosse envie de gagner et d’en découdre avec un bon esprit sportif pour finir. À la fin du combat, les filles se font la bise et les garçons se serrent la main.

Matthis est un rêveur. Il plane. Il oublie où il est et risque de se perdre dans la foule ou dans un couloir mais dès qu’il monte sur le tatami, il est tout de suite dedans. Pas de stress. Il attaque. Pour gagner. S’il perd, ce n’est pas grave du moment qu’il s’est bien battu avec un adversaire qu’il respecte.

Alors ça ne traîne pas. O Goshi à gauche en 30 secondes. Une attaque, une projection suivie au sol, immobilisation et c’est enlevé. Toutefois un contre sur une attaque trop fougueuse lui interdit l’accès aux demi-finales : une chute sur la tête est suivie de quelques larmes, ce n’est quand même pas facile de perdre, quand on n’a que 10 ans !

Il est content de sa médaille de bronze bicolore, elle est plus jolie que les 2 autres, monochromes...

 

 

 

 

Après une semaine hivernale, le soleil s’est décidé à laisser poindre un timide rayon le matin de notre départ. Nous avons fait un détour par Le Temple Sur Lot. L’an dernier, j’y ai passé les 2 semaines de stage en immersion complète et j’avais redécouvert le plaisir d’oublier la voiture, de prendre un bol de thé sous les premiers rayons du soleil levant, de rester à bavarder devant une « petite blonde » après le dernier cours, de rédiger, tard le soir, le compte-rendu de la journée et de le mettre en ligne, de prendre le temps de mieux connaître les autres stagiaires, d’interrompre ma rédaction pour un brin de causette... Deux semaines de bonheur, tout simplement, alors j’ai déjà pris une option pour le prochain stage d’été.

Vous connaissez « fesse bouc » ? Je me suis embarqué sur ce site communautaire à l’insu de mon plein gré et, à l’occasion d’un échange avec Lembrun, j’ai émis le souhait de retrouver ma chambre de l’an dernier. Ma requête fut transmise le jour même au secrétariat.

En rentrant, nous sommes donc passés par Lembrun pour confirmer la réservation. Le soleil montrait le bout de son nez après une longue période d’absence où les nuages s’étaient livrés à des débordements. Les maîtres des lieux, Pierre et Katja, étaient à l’accueil. Ils nous ont persuadés passer la journée au Centre et nous ont fait préparer une chambre pour la nuit.

L’endroit est toujours aussi chaleureux. Nous avons partagé les repas en compagnie d’un petit groupe qui participait à un séminaire de Qi Kong, 150 stagiaires étant attendus le lundi suivant.

Je vous ai déjà parlé de Betty ? C’est ma chienne, un adorable cocktail de berger allemand, de beauceron, de labrador, et de que sais-je encore ? Elle est jolie et sympathique. Dès le premier contact, Pierre m’a dit : « Betty est invitée cet été. ». Elle a fait son numéro de gentille chienne bien élevée, allant saluer discrètement tous les humains et Némo, le vieux labrador qui soignait ses rhumatismes au soleil.

La « Sensei » du séminaire, une belle dame asiatique, était très intéressée par la chienne et lui disait « Betty ! » chaque fois qu’elle la croisait. Avant le repas du soir, Betty s’est approchée de la dame, l’a regardée, s’est assise et... lui a tendu la patte. C’est fou ce que je me sens protégé par cette chienne !

 Betty et moi 1

 

J’ai profité du soleil du matin pour prendre quelques photos. De nouveaux aménagements sont en cours pour offrir un séjour encore plus agréable.

Très spectaculaire, une immense fenêtre a été ouverte dans le mur du fond de la Grange, elle ouvre une perspective sur le Lot à travers la zone de silence.

 Lembrun mai 2010 (14)

Mes premiers pas m’ont évidemment conduits vers le grand Dojo, vide, mais vibrant de l’énergie et des sensations dégagées pendant plus de 30 années de stages.

 Lembrun mai 2010 (2)

 

Je suis revenu par le bar. Les banquettes attendent les habitués, ceux qui lisent, ceux qui rêvent, ceux qui bavardent, ceux qui boivent une bière ou un café. Je suis entré dans le petit salon où j’ai été accueilli par la chaleur d’un feu de bois près duquel je suis revenu passer un bout de soirée consacrée à la lecture.

 Lembrun mai 2010 (13)

De l’autre côté, la piscine est toute nue ! Le liner accusait ses 30 années et plus d’usage intensif. Il a donc été enlevé. Le bassin vide me paraît gigantesque, révélé dans sa structure de béton.

Le liner bleu délavé sera remplacé par un nouveau de couleur... vous en aurez la surprise cet été.

  Lembrun-mai-2010--4-.jpg

Derrière les chalets, un jardin japonais est en cours d’aménagement, Pierre pense que ce sera probablement le jardin des grenouilles qui berceront vos nuits de leurs chorales mélodieuses.

 Lembrun mai 2010 (6)

Le grand dojo connaît un nouvel aménagement, un pas de tir pour le Kyudo. Michel Martin, pionnier du Kyudo en France, a dorénavant ses quartiers à Lembrun. Le Kyudojo sera inauguré le 19 mai, un stage doit avoir lieu pour célébrer l’événement. D’autres stages seront programmés durant l’été.

 Kyudo Martin

 

Michel Martin en démonstration à l’occasion du Jubilé de not’ bon Maître

 Lembrun mai 2010 (10)

D’autres travaux sont en cours. Le maître des lieux, Pierre Chardigny, met la main à la pâte. En fait, il s’amuse bien aux manettes de son étrange machine. Il sait que tout sera prêt pour nous accueillir durant la deuxième quinzaine de juillet.

 

 

 Lembrun mai 2010 (12)

C’est dans ses rêves que l’homme trouve la liberté, cela fut, est, et restera la vérité. *

 

 

 

 

* citations extraites du CERCLE DES POÈTES DISPARUS

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23 avril 2010 5 23 /04 /avril /2010 18:25

Savoir et connaissance

 

L’autre jour, avant le stage de formation des juges, nous avons eu une conversation érudite sur un problème de sémantique. Nous n’étions pas nécessairement d’accord à propos de nos définitions des mots SAVOIR et CONNAISSANCE, notamment en fonction du champ lexical où nous nous placions. Daniel et moi étions tentés de rapprocher CONNAISSANCE et SAVOIR-FAIRE. Éric se plaçait dans le champ de l’humanisme. Puis le stage a commencé...

Je suis allé m’informer auprès d’auteurs plus érudits que nous autres modestes adeptes de l’Aïkibudo. J’ai d’abord consulté le Littré et ça commençait mal puisqu’il définit :

 

SAVOIR

v. tr. avoir connaissance de. Savoir l'avenir.

s. m. usité seulement au singulier. Connaissance acquise par l'étude, par l'expérience

 

Chez Émile,le serpent se mord la queue !

 

L’acquisition d’un savoir suppose un processus continu d’assimilation et d’organisation de connaissances. Ce qui s’oppose à une simple accumulation.

 

J’aime bien cette pensée piochée au hasard de mes lectures. Je suis convaincu qu’il ne sert à rien de s’encombrer la mémoire avec des catalogues de données, il vaut mieux disposer d’un savoir bien organisé, d’une « tête bien faite » que d’une « tête bien pleine ».

 

« Tu causes, tu causes, c’est tout ce que tu sais faire. », disait le perroquet Laverdure. « Et l’Aïkibudo dans tout ça ? », me disent les lecteurs... On se calme, j’y viens.

 

Une belle soirée. Il fait doux sous un ciel bleu, limpide, alors que l’aube s’éveille sous le brouillard ou avec un léger voile de givre. Le corps est fatigué, il ne ressent pas encore la joie du soleil retrouvé.

Pierre, arrivé le premier, répète inlassablement les katas de Iaï avec son Katana. Jaafar arrive un peu plus tard. Ils ne semblent pas en grande forme, on dirait qu’ils n’ont pas envie... On y va pour un peu de Daïto Ryu, parce que c’est au programme.

À 19 heures, les fidèles habitués sont arrivés, le cours va pouvoir commencer. Diriger un échauffement classique ne m’inspire pas, ce soir.

 

« Randori esquive ». Cet exercice sert d’échauffement actif. Commencer lentement, avec la respiration s’effectuant au rythme des attaques. O Irimi, Kime, effleurement de Uke de façon à se concentrer sur la sensation de fluidité sans négliger la préparation du Randori canalisation.

 

J’observe avec intérêt Pierre et Jaafar. Je suis étonné par leur aisance : ils sont parfaitement « dedans », chacun avec son style, Jaafar plus rond, Pierre plus puissant mais tous les deux ronds et puissants. Leur évolution depuis le dernier cours est spectaculaire.

 

Randori canalisation. C’est l’application logique de l’exercice précédent. O Irimi, Kime, contrôle de Uke, déséquilibre et projection en descendant le genou au sol avec une ample rotation des hanches. C’est le premier test qui permet d’estimer un niveau d’efficacité et de détecter les points faibles.

 

La fatigue semble oubliée. La respiration est bien placée, personne ne semble éprouver l’essoufflement habituel. Mes deux « sujets d’étude » m’offrent un plaisir immense. Ils me rendent au centuple ce que j’ai pu leur apporter : c’est leur travail élaboré avec mes conseils et finalisé avec leur personnalité propre. Ils ont acquis un véritable savoir-faire, des compétences qui ressortent intuitivement. Et les autres élèves sont sur la bonne Voie.

 

Lorsqu’une personne intériorise un savoir, elle transforme ce savoir en connaissance. Elle « construit » cette connaissance. La même connaissance construite par une autre personne ne sera pas tout à fait la même. Il n’existe donc aucune connaissance parfaite et absolue.

 

La compétence est la capacité d'agir efficacement dans un type défini de situation, capacité qui s'appuie sur des connaissances, mais ne s'y réduit pas. Elle se réalise dans l'action. Elle ne lui préexiste pas...

 

C’est ça ! Mes élèves s’expriment dans l’action. Notre Art se définit dans le mouvement, dans l’interprétation. Pas dans un catalogue... À quoi bon s’encombrer la mémoire d’une quantité de définitions, de règles, si on ne sait pas les utiliser au moment utile ? Nous construisons notre savoir sur un socle de bases qu’il nous faut travailler à chaque niveau, à chaque fois sur un plan plus élevé, avec un angle d’approche plus aigu. C’est nécessaire et suffisant pour s’approprier le catalogue de nouveautés du niveau abordé. Les compétences acquises grâce à la connaissance affinée des bases donne la capacité d’agir avec efficacité à ce niveau plus élevé et de restituer les techniques « au programme » sans les réciter par cœur.

 

Tanto no Kata. Peut-on vraiment parler de Kata ? Je le considère comme un aide-mémoire. J’en ferai une sorte de Kata en enchaînant des techniques appropriées.

Shomen Uchi -> Irimi Mae Tobu Nage

Points clés : entrer le bras droit entre le bras de Uke et sa nuque, repousser Uke vers l’arrière puis le ramener vers l’avant en crochetant sa tête, genou droit au sol

Shomen Uchi -> Irimi Mae Tobu Nage -> Omote Yokomen Uchi -> O Irimi Tenbin Nage

Notions annexes : immobilisation. Tenbin, c’est le fléau de la balance ou le balancier posé sur l’épaule pour transporter 2 seaux ou 2 paquets. Cette définition rappelle la technique originelle qui est abordée pour conduire vers l’immobilisation.

Shomen Uchi -> Irimi Mae Tobu Nage -> Omote Yokomen Uchi -> O Irimi Tenbin Nage -> Ura Yokomen Uchi -> Irimi Ura Ude Nage (variante : Robuse)

Points clés : utiliser l’impulsion donnée par la poussée du pied gauche pour entrer, contrôles analogues à Robuse, forte poussée en entrant la jambe gauche (déséquilibre latéral)

Shomen Uchi -> Irimi Mae Tobu Nage -> Omote Yokomen Uchi -> O Irimi Tenbin Nage -> Ura Yokomen Uchi-> Irimi Ura Ude Nage -> Tsuki Chudan -> Nagashi pied avant Ude Kake Mae Hiki Otoshi (variante : Ushiro Hiki Otoshi)

Points clés : esquive Nagashi (sur place, « sans bouger les pieds »), le bras droit entre et vrille, paume vers l’arrière en remontant dans l’axe du corps et au dessus de la tête, le corps de Uke se trouve déjà projeté vers l’avant du fait du déséquilibre créé par cette action mécanique, puis pivote pour projeter, la jambe avant bien en ligne sur l’avant parallèlement à l’axe de projection. Le genou intérieur se pose au sol.

Dans un premier temps, le travail s’effectue avec un seul partenaire. Ensuite, face à 4 partenaires attaquant successivement dans l’ordre du Kata.  Rythme lent tout d’abord, recherche de la fluidité, puis accélération du rythme.

 

Tambo no Kata. En fait, le Tambo va être utilisé en défense contre le Tanto.

Tsuki Chudan : Tambo tenu de la main droite, en « Sakate », entrée extérieure, contrôle du poignet avec le Tambo par l’intérieur, reprise du Tambo par la main libre, pouce en bas, Kote Gaeshi

Tsuki Chudan : Tambo tenu de la main gauche, en « Sakate », entrée intérieure, contrôle du poignet avec le Tambo par l’extérieur, reprise du Tambo par la main libre, pouce en bas, Kote Kudaki

Omote Yoko Men Uchi : Tambo tenu de la main droite, en « Sakate », entrée intérieure, contrôle du poignet avec le Tambo par l’extérieur, reprise du Tambo par la main libre, pouce vers l’extérieur, Shiho Nage

Omote Yoko Men Uchi : Tambo tenu en matraque de la main droite, entrée intérieure, fouetté dans le pli du coude, retour derrière la nuque de Uke, reprise de l’extrémité du Tambo avec la main libre, Mae Tobu Nage

Ura Yokomen Uchi : Tambo tenu en matraque de la main droite, entrée extérieure, fouetté sur le coude, glisser le long de la gorge de Uke, reprise de l’extrémité du Tambo avec la main libre, étranglement comme Ude Jime

Etc...

Randori : défense avec le Tambo contre les attaques Tsuki Chudan, Omote Yokomen Uchi et Ura Yokomen Uchi

 

Savoir n'est pas connaître. Celui qui « sait » fait fonctionner la partie intellectuelle de son être. Il peut en rester là toute sa vie et transmettre un savoir construit sur des convictions rigides et figées dans l'espace et le temps.

 

La Connaissance demande, à celui qui s'y intéresse, de l'intégrer à la totalité de son être et de l'éprouver par sa capacité à la redonner, enrichie de son évolution et de son illimitation. C’est ce qui fait intervenir la notion d’expérience nécessaire à l’accomplissement de l’être humain. A la mesure des choix qu’il fait, de la compréhension qu’il en retient de lui-même et des autres, l’homme apprend à s’épanouir et à se dilater à l’univers tout entier qu’il unifie à son être. Cette démarche, alors, fait de la connaissance le facteur primordial de l'évolution de l’humanité. C'est celle qui nourrit non seulement notre intellect mais aussi notre âme et notre cœur, celle qui nous élève.

 

« Tu causes, tu causes, c’est tout ce que tu sais faire. Et l’Aïkibudo dans tout ça ? ». Pardonnez-moi si je vous ai ennuyé avec toutes ces citations. Mille excuses à leurs auteurs dont je n’ai pas noté le nom... En fait, je les ai choisies en pensant au petit monde de notre bel Art Martial. Je dédie la dernière à not’ bon Maître.

 

Floquet 2008 

 

 

 

« Merci ! », m’a dit Jaafar. « C’était passionnant ! », m’a dit Pierre. Ou l’inverse. Ou les deux. Merci de m’avoir donné l’impression de vous être utile.

 

salut 

 Il faut toujours semer derrière soi un prétexte pour revenir, quand on part. (Alessandro Baricco)

 

 

 

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2 avril 2010 5 02 /04 /avril /2010 18:54

 

Pourquoi philosopher alors qu’on peut chanter ? (Georges Brassens)

 

Quarante ans ! Le cours du premier mercredi d’avril a été déplacé au dernier mercredi de mars afin de permettre au plus grand nombre de fêter les 40 ans d’Anthony.

Quarante ans ! Mes 40 ans ont été fêtés 3 jours après la première élection présidentielle de François Mitterrand... Formidable bouleversement de notre société et formidable étape dans mon évolution. Nous nous appelions encore Aïkido mais plus pour longtemps. Une nouvelle énergie nous  animait, une nouvelle vision de notre Voie, une nouvelle inspiration nous conduisaient sur les rives de l’Aïkibudo. J’attaquai la saison 1980/1981 avec un esprit de décision très incisif...

 

Ce bilan est illustré d’extraits de mes notes de l’époque.

 

Je démarrai la saison en publiant une petite plaquette publicitaire qui fit grincer des dents, dissuada plus d'une personne de s'inscrire et choqua pas mal de pratiquants peu habitués à un style si direct. J'étais à l'orée de mes quarante ans, c'est l'époque d'une mutation de l'individu. Un cycle s'achève, un autre recommence. 

 

comment réussir 

Oui. Bon. D’accord. Ce n’est pas très consensuel. On pourrait contester les principes. Et les références. L’époque n’était pas au politiquement correct. Elle n’était plus à la censure et je n’ai jamais aimé m'autocensurer.

 

Et c’est à l’orée de mes 40 ans que j’ai ouvert la section de Saint Léger du Bourg Denis qui allait être pendant une quinzaine d’années le phare de l’Aïkibudo haut normand, notre Shibu.

J'avais cours le mardi et le jeudi de 18 heures à 21 heures à Bois-Guillaume. J'avais créé à Saint Léger du Bourg Denis deux cours d'initiation de 19 à 21 heures, le mercredi, et le vendredi, deux cours pour enfants le lundi de 17 heures 30 à 19 heures et le samedi de 16 heures à 17 heures 30. J’animais un cours de Kobudo et initiation au Kendo le samedi de 13 à 16 heures et, pour bien faire, un cours de perfectionnement le lundi soir, de 19 à 21 heures et réservé aux cadres. Ajoutons à cela un stage national par mois dans la région parisienne et un autre stage mensuel dans la Ligue. Mes enfants étaient au collège. À part à l'occasion des deux cours d’Aïki qu'ils suivaient, je ne les voyais plus. Je ne me retrouvais à table avec eux que le dimanche, si je n'étais pas en stage...

Il m'arriva de reprocher à un jeune cadre sa fréquentation irrégulière des cours du lundi et du samedi. Il me répondit : « Tu sais, je m'entraîne deux fois par semaine à mon club. Je ne peux pas faire beaucoup plus. Je me dois à ma famille... ».

Je me mis à travailler dur, à donner des cours sévères. Les élèves du lundi soir et du samedi commencèrent à surveiller avec inquiétude mon visage quand j'arrivais. Ils devinaient à un certain mutisme, à une façon de serrer les mâchoires, que tout le monde allait être repris, réprimandé, et que les démonstrations techniques allaient ressembler à des corrections. Et j'arrivais souvent avec une contraction de la mâchoire!

C'est un samedi que je fis revêtir successivement l'armure de Kendo à chacun des Yudansha présents et leur expliquai ce qu'était un combat sans tricherie. Ce jour-là, d'un coup de pointe du Shinaï proprement porté à la gorge (d’accord, ça s’appelle un Tsuki), l’un des plus sceptiques fut projeté au dehors, à travers les portes de sécurité qui s'ouvrirent brutalement sous le choc. Un peu plus tard, c’est le plus costaud qui implora pitié à genoux.

 

Cours après cours, entraînement après entraînement, je tanne mes candidats pour qu’ils parviennent à toujours plus de fluidité. Jaafar est un bon technicien, souple et tonique. C’est aussi un intellectuel alors il pose beaucoup de questions. J’ai atteint une certaine fluidité mentale car je lui réponds volontiers. Lors du premier Aïkibudofest, au Québec, j’avais répondu à un stagiaire : « Est-ce que je vous en pose, moi, des questions ? ». Ce n’était qu’une boutade mais j’avais (un peu) bêtement déstabilisé un pratiquant bien sympathique...

Depuis, j’ai appris à investir mon rôle d’ancien et je réponds aux questions. « Sensei, vous nous demandez un travail fluide mais à un examen, il arrive que des juges, même s’ils demandent de la fluidité, nous réclament un travail fort, efficace, c’est ce qui m’est arrivé pour mon 2e dan. - Rechercher la fluidité, ce n’est pas faire de la danse folklorique. La force est là et l’efficacité se présente à l’issue du mouvement. J’applique ce que m’avait dit mon Maître : une technique est bonne si elle est belle et efficace... »

Jaafar a 42 ans. L’âge de mes enfants. Il vient assister à mes cours chaque fois qu’il le peut. Il n’a été mon Uke qu’occasionnellement. Il m’a dit qu’il avait bien ressenti la puissance de la technique à l’issue d’un mouvement fluide, mais il se pose toujours des questions. Quand j’avais son âge...

 

L’année de mes 40 ans s’est tenu le troisième stage international du Temple sur Lot. Comme d'habitude, il y eut de petits conflits avec les judokas. Il y avait en particulier Manolo, un farouche Ibère, fier de son 1er dan et de son bronzage. Il passait de longues heures aux barres de musculation, à faire rouler ses muscles, espérant attirer l'attention de ces demoiselles. Et bavard, Manolo. Et vantard!

« Ma qué ! Yé souis sour qué oune 3ème dan dé l’Aïkido francésé qué il est incapable dé plier lé poignet dé oune prémière dan de youdo castellano ! »

Maître Leberre, le professeur de Judo, transmit l'information du matamore à maître Floquet qui fut intrigué.

« Morbleu ! Ne serait-ce point là un défi, dans la plus pure tradition des Écoles Traditionnelles ? Qu'on s'en aille me quérir un 3ème dan ! »

Le seul 3ème dan du stage, étant introuvable, probablement caché derrière des caisses de bière, il fallut se rabattre sur un 2ème dan. Paul-Patrick fut investi de l'insigne honneur de représenter l’École.

On alla chercher Manolo qui protesta, probablement parce qu'il jugeait indigne d'être opposé à un simple 2ème dan, mais on n'avait pas mieux à lui offrir. Il paraît qu'il murmurait : « Ma qué ! Mi y ma granda gueula ! », ce qui est de l'espagnol et que je ne saurais traduire.

Or donc, le duel commença. Manolo saisit Paul-Patrick au revers et Paul-Patrick devait vérifier s'il était capable de plier le poignet de Manolo.

Pauvre Manolo ! Il se prit pendant quelques secondes pour un de ces moulins à vent qui firent la réputation de la belle province de la Mancha ! Paul-Patrick fut surpris et déçu de rencontrer si peu de résistance. Il craignit un instant de n'avoir pas bien défendu l'honneur de l’École, mais qu'il soit rassuré, il fut digne d'éloges.

Quant à Manolo, il s'en fut, vaincu. Convaincu ? Que non, il continua à faire rouler ses pectoraux devant les barres de musculation et à ramener sa granda gueula, mais en espagnol, cette fois-ci, sait-on jamais, quelquefois qu'on le comprenne...

 

kobudo-2.jpg 

Tout ça s’est passé l’année de mes 40 ans. L’an dernier, j’aurais pu fêter mes 40 ans de ceinture noire mais quel sens auraient-ils eu sous le flamboiement du jubilé de not’ bon Maître ? Il y aura 40 ans le 11 décembre, j’ai rencontré Alain Floquet et nos routes se sont rejointes...

Trêve de nostalgie, ne nous laissons pas aller à philosopher sur le temps qui passe et revenons à notre sujet, le bilan du cours du 31 mars.

Le petit groupe de fidèles est là, belle brochette de Yudansha et 2 Kyu, bien solides, le premier sur la voie du Shodan, le second plus débutant mais riche d’une solide expérience de judoka.

Randori esquives O Irimi. Nous commençons par une série d’éducatifs que je nomme faute de mieux « randori esquives O Irimi ». Ces exercices sont exécutés par groupes de 3 ou 4, chaque Uke portant 5 attaques.

D’abord, des attaques alternées Ura Yokomen Uchi droite et gauche puis Omote Yokomen Uchi droite et gauche et enfin Tsuki Jodan droite ou gauche.

C’est dans le déplacement que se situe la fluidité. Le déplacement conditionne le mouvement qui génère la technique. La fluidité du déplacement permet une utilisation rationnelle et économique de la force et de l’énergie.

La succession des 2 premiers exercices permet de mettre en place une stratégie d’entrées extérieures, puis d’entrées intérieures. Il s’agit d’entrer dans l’attaque de Uke et de le conduire afin d’organiser son espace. Le 3e exercice apprend à s’adapter et à entrer par l’intérieur ou par l’extérieur sans a priori.

Randori canalisation. C’est l’étape suivante. La fluidité de l’esquive est complétée par l’utilisation du corps : flexion des jambes, rotation du bassin, économie de l’énergie, la force est utilisée sans excès, juste ce qu’il faut.

Une heure a été consacrée à ces exercices préparatoires. Les corrections ont été apportées, les explications ont permis de comprendre la justification des formes demandées. L’enseignant développe lui aussi une stratégie, il doit avec agir avec fluidité pour emmener ses élèves dans la direction souhaitée puis développer juste ce qu’il faut de force de persuasion, non pas pour convaincre mais pour faire sentir et comprendre la finalité des objectifs. Ça ne se fait pas sans mal pour... les élèves qui ont dépensé beaucoup d’énergie et fait couler beaucoup de sueur.

 

Ryote Ippo Dori en distance Ma : Irimi suivi de Ura Ude Nage. L’entrée est tonique, la technique surprend après la longue série d’esquives. Cependant, tout est dans la fluidité, l’esprit de décision et la perception du Tai no Sen.

Ryote Ippo Dori en distance Ma : Nagashi suivi de Ura Ude Nage. Visuellement, c’est plus proche des éducatifs précédents. C’est dû à la perception du Go no Sen. La forme est plus sophistiquée mais les sources d’erreur jalonnent le mouvement. Déséquilibre, renversement, projection, esprit de décision.

Ryote Ippo Dori en distance Ma : Wa no Seishin. Nagashi sans bouger les pieds, la main monte, paume en l’air. Irimi, la main tourne tandis que le bras s’incurve, vers le sol. Wa no Seishin. Tai no Sen ou Go no Sen ? Quoi qu’il en soit, ça décoiffe. Quand j’ai présenté cet exercice à Asbestos, il y a 5 ans, j’avais choisi comme Uke mon ami Sylvain, le meilleur spécialiste québecois de Nuki Uchi no Ken. À sa grande surprise ses 200 livres furent propulsées à plusieurs mètres de là et, quand il se releva, il me salua avec respect... Il ne m’en a pas voulu, je suis récemment devenu son ami sur Tête de Livre ou Face de Bouc, je ne me rappelle jamais le nom de ce site communautaire.

Ryote Ippo Dori en distance Ma : Wa no Seishin. Si on fait la synthèse de ces 2 actions, Nagashi sans bouger les pieds et renversement, on obtient un très plaisant Koshi Nage. « J’ai eu la sensation d’être une plume ! », m’a dit mon Uke. « Tu n’as pas pesé plus qu’une plume. », lui ai-je répondu. À mon âge et après toutes les misères que mon vieux corps a subies à cause de mon impulsivité, je dois devenir prudent. Il suffit de porter le Koshi avec rigueur. Je me place dans l’axe de Uke, je fléchis mes jambes tout en poussant ses bras vers le haut pour l’inciter à monter sur la pointe des pieds. Quand mon centre de gravité est passé sous le sien, je le fais basculer sur mes hanches et, quand je me relève, il bascule sans effort et sans contrainte. Une autre forme, dite hanche flottée, consiste à le faire tourner horizontalement autour des hanches.

Une variante consiste à descendre un genou au sol et à porter Kata Guruma. Pour la formule édulcorée, le genou reste au sol, le mouvement s’apparente alors à un Wa no Seishin. Les jeunes costauds se lèveront en portant Uke sur leurs épaules et le jetteront vers l’avant.

Passons aux choses sérieuses avec 2 Uke qui attaquent en Ryote Ippo Dori.

Double Ryote Ippo Dori. Irimi, double Wa no Seishin (première forme décrite)

Double Ryote Ippo Dori. Irimi, bras fléchis, mains croisées, placement de Yuki Chigae, O Irimi sur place, second Yuki Chigae, contrainte arrière, renvoi vers l’avant, tête contre tête, double immobilisation.

Double Ryote Ippo Dori. Irimi, bras fléchis, mains croisées, l’une en supination, l’autre en pronation, Kote Gaeshi plus Shiho Nage.

Double Ryote Ippo Dori. La main droite saisit le poignet droit du premier Uke, le conduit sur le poignet droit du second Uke. Contrôle des 2 poignets et double Shiho Nage.

Double Ryote Ippo. Irimi, double Hiji Kudaki vers l’avant suivi de double Kote Gaeshi vers l’arrière.

Double Ryote Ippo. Irimi, rotation du bassin, double Ude Garami.

J’en passe et des meilleures... ce cours aurait pu être prolongé d’une heure ou deux. Exercices de style, peut-être ? Pas seulement. De nombreuses compétences sont mises en application pour réussir ces techniques de façon convaincante. Ce qui fait que Jaafar a de nouvelles questions à poser alors que nous avons déjà largement débordé l’horaire et que la table est prête pour fêter les 40 balais d’Anthony. En résumé, je lui ai dit qu’en principe, tout est possible sur tout. Il faut chercher des solutions puis faire le tri entre ce qui est pertinent et ce qui ne l’est pas.

 

St Léger 31 03 10 

 

Que nous disait-il, ce cher Georges ? Pourquoi philosopher alors qu’on peut chanter ? Et bien, chantez, maintenant.

Et bon anniversaire, Anthony.

 

 

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20 mars 2010 6 20 /03 /mars /2010 18:52

Être et paraître

 

Mercredi 17 mars 2010. Le printemps approche à grands pas et a déjà effacé toute trace de l’interminable hiver qui s’achève. C’est curieux, ce changement de saison m’investit de douces vagues de mélancolie, saupoudrées d’une sensation de fatigue cotonneuse. Dépression saisonnière, paraît-il. Elle survient en automne et au printemps. Rien à y faire sinon le vide quand on est seul ou jouir de petits riens quand on est entre amis... Ennui connexe : le corps s’est affaibli et il faut le ménager, prière de ne pas chahuter les antiquités.

À 18 heures, je retrouve mes fidèles compagnons sur le tatami de Saint Léger du Bourg Denis. Moment quasi rituel, une heure de Katori pour le plaisir et s’amuser à râler contre les tenants du « faut faire comme ci » et ceux du « faut faire comme ça ». En fait, le vieux Sensei nous avait tout appris il y a 25 ans mais nous avons régulièrement oublié, dévié. Par inattention. Par paresse. Quand quelqu’un que j’apprécie rectifie mes gestes, je ne peux m’empêcher de dire : « Bien sûr, Sensei Sugino nous avait enseigné exactement ça ! ».

Mon heure d’humilité est passée, les élèves présents sont des Yudansha plus un robuste kyu pas loin du niveau du Shodan.

Au programme, la suite du dernier cours, je vais donner le cours que j’aurais dû donner la dernière fois mais que j’avais modifié parce qu’il m’avait paru nécessaire d’affiner les bases. Vous suivez ?

Le thème est simple : stratégie du Randori, application de O Irimi sous forme de randori esquives, canalisations puis techniques, sur des entrées extérieures puis intérieures.

Je mets un groupe de trois Yudansha au centre, je leur précise les consignes de l’exercice, j’observe les évolutions, je les commente et tout le monde se met au travail avec les nouvelles consignes.

 

Randori esquives.

O Irimi extérieur sur Tsuki Chudan alterné droite et gauche. Tori doit évoluer sans marquer d’arrêt pendant les 10 attaques successives. Stratégie : quand il esquive Uke 1, il oriente déjà son regard vers Uke 2 de façon à se trouver bien placé pour l’esquiver à son tour. Organisation de l’espace : il fait passer Uke 1 pour dégager son champ d’action vers Uke 2 ; s’il le bloque, il finit par s’enfermer.

Ce n’est pas si simple, les entrées sont trop courtes, les grands ont les jambes raides. Si Uke n’est pas prêt à attaquer ou se trompe de côté d’attaque, Tori s’arrête au lieu de prendre l’offensive. « Il faut s’adapter ! On ne s’arrête jamais pendant un randori ou une démonstration, on s’adapte ! ». Pour obtenir un grand déplacement, je demande d’aller chercher l’épaule dans le premier temps puis de faire passer Uke 1 dans le deuxième temps, en fléchissant la jambe arrière et prendre appui sur cette épaule pour se projeter au devant de Uke 2, même si ce dernier n’est pas prêt, quitte à lui donner une claque pour le rappeler à son exercice. 

O Irimi intérieur sur Tsuki Chudan alterné droite et gauche. On retrouve les mêmes problèmes, je précise de nouvelles consignes, notamment le contrôle de la nuque.

Ces exercices, simples avec deux Uke, réclament une autre attention avec trois adversaires. Uke a tendance à entrer dans une activité mécanique alors que son rôle est essentiel. La consigne est stricte : enchaînement d’attaques droite, gauche, droite, gauche... Quand il y a plusieurs attaquants, l’inattention de l’un d’eux casse la dynamique de Tori.

 

Randori canalisations.

O Irimi extérieur sur Tsuki Chudan alterné droite et gauche.

C’est un classique. Il donne à Tori la sensation très valorisante d’être un clone de not’ bon Maître. Il s’agit d’envelopper le bras qui attaque et de projeter en posant le genou extérieur au sol. C’est beau et efficace, c’est de l’Aïkibudo... si c’est bien fait ! Parce que je m’aperçois que les Uke chutent sans y être contraints, parce que Tori ne porte pas d’armlock. Son entrée est trop courte. Son bras commence à envelopper celui de Uke au niveau du coude... aucune contrainte. Je demande d’entrer en donnant la sensation d’un coup de coude au visage, le bras s’enroule, le coude de Uke se trouve pris sous l’aisselle de Tori. Armlock. Chute obligatoire.

O Irimi intérieur sur Tsuki Chudan alterné droite et gauche.

Application de Kubi Otoshi, le genou extérieur se pose au sol. Comme pour l’exercice précédent, il s’agit aussi de tonifier les jambes. Sur une entrée intérieure, le bras libre est dangereux, il faut s’en protéger en contrôlant Uke avec l’avant bras, poignet au-dessus de la clavicule, puis la main appuie sur la nuque de Tori pour contribuer à la projection. Si l’entrée est trop courte, l’esquive est illusoire, Uke peut porter une attaque du bras arrière.

La stratégie à développer est la même que dans le randori esquives : organisation de l’espace, mouvement continu jusqu’à la fin de l’exercice. Et ce n’est pas un concours d’apnée !

 

Randori techniques.

Shiho Nage sur Omote Yokomen Uchi alterné droite et gauche.

Si la technique est bien appliquée, Tori se trouve bien placé pour entrer O Irimi sur l’attaque suivante.

Je fais remarquer qu’un randori n’est pas un Kihon. Il ne s’agit pas de démontrer une forme académique mais d’évoluer de façon fluide, continue, en s’adaptant constamment à la direction de l’attaque. Tori doit effectuer le randori comme s’il s’agissait d’un seul mouvement ; de la première à la dernière attaque... et sans oublier de respirer !

Kote Gaeshi sur Tsuki Chudan alterné droite et gauche.

La consigne est simple : entrée O Irimi, armlock sur le 2ème temps, la flexion du poignet est portée avec la rotation des hanches en retour. Comme tout à l’heure, si la technique est appliquée convenablement, Tori se trouve bien placé pour entrer O Irimi sur l’attaque suivante... Mais ce n’est pas si simple, que de tics, d’habitudes incontrôlées, des hanches qui ne tournent pas, un pied qui recule, des pieds qui piétinent... combien de contre-pieds ! Et pas d’armlock, je ne vois pas d’armlock, ils ne savent pas ce qu’est un armlock ! Je vais leur faire voir ce qu’est un armlock !

Bref, je saisis un poignet, je le guide pour placer le coude contre mon flanc, j’appuie pour porter l’armlock... Succession d’erreurs inexcusables. J’ai perdu mon calme. J’ai stressé mon partenaire qui s’est raidi, comme s’il avait besoin de ça... Il a remonté son bras, que je contrôlais trop légèrement et, quand j’ai porté l’armlock, son coude a pénétré comme un coin entre 2 côtes, à hauteur du sternum... Douleur aiguë... J’ai un instant de stupeur et, l’espace de 2 ou 3 secondes qui me paraissent très longues, ma voix s’enroue... J’ai très mal. Fracture de fatigue ? Déchirure du muscle intercostal ? Surtout que ça ne se voie pas. Il faut que le spectacle continue. Je dois rester MOI-MÊME.

Je m’oblige à démontrer l’enchaînement, je reprécise les consignes et je propose l’application sous forme d’un randori en cercle. Uke doit savoir où se situe sa place dans l’ordre des attaques et quelle attaque il doit porter. Tori doit organiser son espace et orienter son Tai Sabaki en fonction de l’attaquant suivant...

 

Je ne sais pas si Pierre a perçu de quelque chose. À la fin du cours, il me propose de porter mes bagages jusqu’à ma voiture et j’accepte.

Le retour est pénible, je sers les dents dans les virages. Je m’en veux de ce manque de contrôle, de ces petits incidents que je pourrais éviter avec un minimum de modération mais qui s’accumulent, cours après cours, et qui finiront peut-être par compromettre ma présence sur le tapis, à cause d’un désir infantile de paraître et d’être, tout à la fois. Être ou paraître ? J’ai choisi de préserver les apparences. Par respect pour mes élèves et aussi, un peu, par fierté, pour moi...  MOI ?

Depuis quelques jours, je médite, parallèlement à la préparation de mes cours, sur les pensées de Pascal. J’essaie d’agrémenter mes comptes-rendus d’anecdotes ou de réflexions « philosophiques ».

En général, je suis exaspéré par ces discours dont on nous rebat les oreilles sur toutes les ondes et toutes les chaînes. Ces messieurs, ces dames aussi, commencent systématiquement leurs phrases par : « Moi, je.. ». Moi, je, moi, je, comme si on ne le savait pas que cet important personnage est lui-même et pas un autre !

« Le moi est haïssable » nous a dit Blaise Pascal*. Le nombrilisme est universellement partagé. Se préférer soi-même à toute autre chose n'épargne personne, y compris les plus généreux et les plus désintéressés. Il est plus aisé de paraître que d'être et d'être aveuglé que convaincu. Nous nous satisfaisons du vraisemblable alors que nous sommes rebutés par la quête du vrai.  
Nous déployons plus d'énergie à fantasmer notre vie qu'à la vivre : « Nous ne nous contentons pas de la vie que nous avons en nous et notre propre être ; nous voulons vivre dans l'idée des autres une vie imaginaire, et nous nous efforçons pour cela de paraître. »

 

Et l’Aïkibudo dans tout ça ? Je m’amuse à imaginer que si je m’étais rencontré quand j’étais jeune, je me serais probablement détesté. Je me serais considéré comme un petit prétentieux arrogant et insupportable. Parce que je suis un vieux con et que je n’aurais pas cherché à comprendre le jeune Budoka en route sur la Voie qui lui permettrait de devenir ce qu’il semblait s’efforcer de paraître. Un brin de jalousie, peut-être ?

Royan 67

Quand je rédige ces lignes, je peste contre la douleur pointue qui m’empêche de trouver une position relativement confortable, je repense à ce cours, à ces cours où je me suis efforcé de transmettre à mes élèves le plaisir que j’éprouvais à les avoir près de moi, attendant le plaisir de recevoir un peu de mon modeste savoir...

Je lis et relis mon article, difficile travail de réécriture. Je me rends compte que je semble porter des jugements sévères sur mes élèves. Question de point de vue. Notre évolution se fait selon une spirale ascendante. À chaque palier, les bases sont revues à un niveau d’exigence accru. Je mets l’accent sur la vanité du Paraître (quelle grenouille ne s’est-elle pas voulue aussi grosse que le bœuf quand elle a été admise au Shodan ?) et je donne des pistes qui sont susceptibles de conduire vers l’Être.
En fait, j’éprouve beaucoup d’amitié pour ces jeunes gens trop pressés, maladroits, qui se « la pètent » mais qui sont toujours là, désireux de progresser et pleins de respect envers leurs vieux Maîtres.

Exigeant pour moi-même, je m’autorise à l’être pour les disciples qui expriment le désir de progresser et j’admets que certains se contentent de pratiquer pour le plaisir de passer un bon moment entre amis. « Il faudrait essayer d'être heureux, ne serait-ce que pour donner l'exemple. » nous a dit Jacques Prévert.

Je n’ai aucune sympathie pour ceux qui m’ont réclamé une médaille en chocolat à épingler sur leur apparence. Être ou paraître ? Être, évidemment ? Et s’il était judicieux de paraître quand les circonstances l’imposent ? Une autre fois, je traiterai le sujet « personnage et personnalité ».

 

Dimanche, à Vanves, Tony, le Batave so British, a demandé à Pierre : « Tu n’es pas venu avec ton vieux ? Le mien n’est pas là. » J’avais des raisons meilleures que des prétextes pour avoir séché le stage. Alain est enfin arrivé, légèrement en retard, comme d’habitude. Tony a dit à Pierre : « Mon vieux est là ! » Et Pierre lui a répondu : « Moi, je suis orphelin... »

« Tu as toujours 17 ans ! » me disait-il il n’y a pas si longtemps, quand nous faisions des duos de guitare ou au cours de nos longues randonnées avec l’âne Philibert. N’exagérons pas, mes courbatures me rappellent que je ne suis pas très loin d’avoir l’âge inverse. Pourtant j’ai toujours les mêmes aspirations, les mêmes rêves à concrétiser. Mes moyens limités m’ont fait et me font encore évoluer lentement, très lentement malgré les apparences et les flamboiements. Mais je m’efforce de progresser et de préserver mon apparence. Ce qu’on s’efforce de paraître révèle en transparence ce qu’on est susceptible d’être.

 

Et l’Aïkibudo dans tout ça ? Si tu veux aller vite, marche seul. Si tu veux aller loin, marche avec les autres. (proverbe africain)

 

Fiche technique : je vous l’ai donnée dans la trame de ce récit. Elle est succincte car les exigences sont au plus haut niveau quand il s’agit de maîtriser des concepts de base.

 

 

*Le moi est haïssable. Ainsi ceux qui ne l'ôtent pas, et qui se contentent seulement de le couvrir, sont toujours haïssables. Point du tout, direz vous ; car en agissant comme nous faisons obligeamment pour tout le monde, on n'a pas sujet de nous haïr. Cela est vrai, si on ne haïssait dans le moi que le déplaisir qui nous en revient. Mais si je le hais, parce qu'il est injuste, et qu'il se fait centre de tout, je le haïrai toujours. En un mot le moi a deux qualités ; il est injuste en soi, en ce qu'il se fait le centre de tout ; il est incommode aux autres, en ce qu'il le veut asservir ; car chaque moi est l'ennemi, et voudrait être le tyran de tous les autres. Vous en ôtez l'incommodité, mais non pas l'injustice ; et ainsi vous ne le rendez pas aimable à ceux qui en haïssent l'injustice : vous ne le rendez aimable qu'aux injustes, qui n'y trouvent plus leur ennemi ; et ainsi vous demeurez injuste, et ne pouvez plaire qu'aux injustes.

 

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5 mars 2010 5 05 /03 /mars /2010 17:56

CARPE DIEM (quam minimum credula postero)

« Cueille le jour présent et sois le moins confiant possible en l'avenir »

 

Cette citation, célèbre depuis la parution du « Cercle des poètes disparus », est l’objet d'une interprétation erronée. Alors qu’on lui donne un sens hédoniste : « Profite du jour présent », Horace nous incitait à savourer le présent sans toutefois récuser toute discipline de vie, dans l'idée que le futur est incertain et que tout est appelé à disparaître.

C'est donc une recherche de plaisir ordonnée, raisonnée, qui doit éviter tout déplaisir et toute suprématie du plaisir, une pensée plus épicurienne qu’hédoniste : l'épicurisme est axé sur la recherche d'un bonheur et d'une sagesse dont le but ultime est l'atteinte de l'ataraxie, la tranquillité de l’âme résultant de la modération et de l’harmonie de l’existence.

Et l’Aïkibudo dans tout ça ?

 carpe diem

 

Les quelques jours de soleil qui viennent de nous être généreusement offerts par dame nature ont été accompagnés d’une bise glaciale et n’ont pas suffi à dissiper les toxines hivernales.

Alors, ce mercredi, j’ai conduit mes courbatures au dojo avec l’intention de diriger un petit cours pépère. Des exercices d’esquives, O Irimi avec 2 partenaires. La mise en place d’une mécanique puis d’une stratégie et d’une sensation... C’est formateur pour les Kyu et ça remet les Yudansha « dans l’axe ». Sans fatigue excessive.

Comme d’habitude, un petit groupe se retrouve à 18 h pour un entraînement informel. Pierre, Jean et Jaffar se préparent au grade supérieur. J’initie Jocelyne aux Gogyo. Chut ! Techniques secrètes, réservées aux Yudansha de haut niveau... Ça m’amuse...

Ce soir, les Kyu brillent par leur absence. Heureusement, la petite puce blonde (il va falloir que je me rappelle son prénom !) est bien là avec un inconnu qui porte une ceinture blanche de Karaté. Sinon, je ne vois que de fidèles Yudansha. Mais mon Uke est absent... J’apprends qu’il s’est fait bobo à l’épaule en chutant à skis... Ça m’amuse... Pas par méchanceté mais parce que ça me rappelle deux anecdotes.

À l’époque où j’avais été convié chez les Zouaves pour participer aux opérations de sécurité et de maintien de l’ordre en Algérie, le seul moyen d’obtenir un supplément aux 15 jours de permission légale était d’enterrer une grand-mère ou d’avoir une raison urgente de se marier. Que de grands-mères ont été inhumées en ce début des années 60 ! Certaines plusieurs fois ! Quant au mariage... procréer en dehors des liens sacrés du mariage était une catastrophe, une horreur, shame and scandal in the family ! Il fallait au plus vite solliciter une permission exceptionnelle pour « régulariser la situation ». La vieille baderne qui nous commandait avait dit à un brave bidasse qui souhaitait convoler en justes noces : « Quand on ne sait pas baiser, on n’a qu’à se branler... ».

Pardonnez-moi cette trivialité parce que je serais tenté de faire un parallèle et penser qu’un aïkibudoka qui ne sait pas chuter n’a pas besoin de faire du ski. Si j’étais une vieille baderne. Ce que je ne suis pas. Les galonnés qui ont vainement tenté de m’inculquer le sens de l’ordre et de la discipline propre à convertir un individu normalement cultivé en troufion basique pourraient vous le certifier.

Je ne vis pas pour être un esclave mais le souverain de mon existence*.

En fait, je pense plutôt que tout bon aïkibudoka peut se risquer sans crainte à ski sur toutes sortes de pentes, son sens et sa maîtrise de la chute devant le mettre à l’abri de mauvaises réceptions.

Je me suis risqué au ski alpin tardivement. J’avais 37 ans quand j’ai entendu le clac de mes premières fixations. Avec un sentiment d’urgence et boulimie, comme d’habitude.

Je suivais des cours le matin et je reprenais les mêmes itinéraires, seul, l’après-midi. J’ai vite progressé et, l’année suivante, je fus admis au cours 2 et me risquai sur les pistes noires. J’avais vite compris que, pour progresser rapidement, il fallait me placer dans les talons du moniteur et calquer mes mouvements sur les siens. Dès qu’il s’élançait, je bondissais derrière lui. Et à chaque fois, j’entendais le même glissement de skis derrière moi. C’était une jeune fille qui appliquait systématiquement la même stratégie que moi avec un tout petit cran de retard.

Un matin, le moniteur nous emmène sur un chemin de traverse, pentu, étroit, bosselé. Il saute une congère. Mes spatules s’y plantent. Plat ventre, nez dans la neige ! Double clac, comme un bruit de verre brisé. Je pense à mes lunettes. Double clac à côté de moi. Je reconnais la jeune fille, vautrée dans la poudreuse...

Nous avions déchaussé presque simultanément ! Nous avons sympathisé et décidé de nous entraîner ensemble l’après-midi.

Bien sûr, nous avons repris le chemin de traverse. Plus lourd que ma compagne, j’étais un peu plus rapide. J’abordai la congère avec détermination et... je m’envolai. Le chemin débouchait en tremplin sur une piste rouge. Un groupe s’était arrêté plus haut et s’exerçait aux dérapages. On me voit en vol plané, atterrir, perdre un ski, exécuter une belle roulade avant, me relever sur un seul ski, amorcer une courbe qui me fait remonter vers le ski perdu, rechausser et me redresser, bras levés, sous les applaudissements du groupe en délire (j’exagère un peu). Ma jeune compagne était pliée de rire à la sortie du sentier.

Et l’Aïkibudo dans tout ça ? Il apprend à déguster le miel du moment présent. « Mange, tu ne sais pas qui te mangera ! » nous disaient nos grand-mères. Je me doutais bien que ma carrière de skieur ne durerait pas des décennies et que je devais profiter avec gourmandise de ces moments magiques.

Toujours est-il que, mercredi, j’avais un cours à donner et qu’il me fallut désigner un nouvel Uke. Le couperet tomba sur Jean, un grand garçon qui me paraît souple et tonique. En fait il se révéla complexe, un mélange de laxité et de raideur qui me contraignit à de nombreuses démonstrations imprégnées de détermination avant de parvenir à la pratique fluide que je préconise. Doux euphémisme pour dire qu’il m’a fallu être fermement persuasif...

Le chemin à parcourir est plus intéressant que le but à atteindre. La technique est la cendre du mouvement. Cet aphorisme n’est pas de moi mais j’aime bien le citer.

Peu importe ce qu’on pourra vous dire, les mots et les idées peuvent changer le monde*.

Ce chemin est cabossé et plein d’embûches. Mes bons élèves étaient tout escagassés à la fin du cours. Mais heureux. CARPE DIEM.

Quand je suis arrivé chez moi, traînant lamentablement le poids des ans et de 2 heures de cours, ma femme me dit, avant que j’aie le temps d’ouvrir la bouche : « Si tu voyais les autres, ils sont tout cassés ! ».

J’ai été insensible à cette tentative de raillerie. On ne vit qu’une fois. Et encore !**

 

Et ne pas, quand viendra la vieillesse, découvrir que je n’avais pas vécu*.

 

*citations « Le cercle des poètes disparus »

** citation de Marcel Achard

 

 

 

FICHE TECHNIQUE : O IRIMI, du mouvement à la technique

 

Le Tai Sabaki

- même garde : Tsuki Chudan

Entrée extérieure, contrôler l’épaule opposée et le bras qui attaque, blocage en Kiba Dachi

- garde inversée : Tsuki Chudan

Entrée intérieure, contrôle de la nuque et du bras qui attaque, blocage genou extérieur au sol

- même garde : Tsuki Jodan

Avancer le pied avant en contrôlant l’attaque (Shinogi), enchaîner O Irimi en crochetant le bras de Uke par en dessous, entraîner Uke avec un armlock.

Éducatif : au lieu d’entraîner avec l’armlock, porter un coup de coude dans le dos (n’est possible que si le pivot est suffisant)

- garde inversée : Ura Yokomen Uchi

Avancer le pied avant en contrôlant l’attaque avec la main derrière le coude, doigts dirigés vers le visage de Uke. Le pied arrière rattrape le pied avant, rotation en contrôlant la  nuque de Uke, blocage en Kiba Dachi.

 

Applications techniques

- même garde : Tsuki Chudan

Entrée extérieure, contrôler l’épaule opposée et le bras qui attaque, renverser Uke en relevant son menton, Ushiro Kata Otoshi

- garde inversée : Tsuki Chudan

Entrée intérieure, contrôle de la nuque et du bras qui attaque par l’extérieur, Ushiro Kata Otoshi

Entrée intérieure, contrôle de la nuque et du bras qui attaque par l’intérieur, retour autour du bras saisi en O Irimi (attention, entrée particulière), Kataha Otoshi

- même garde : Tsuki Jodan

Avancer le pied avant en contrôlant l’attaque (Shinogi), enchaîner O Irimi en crochetant le bras de Uke par en dessous, entraîner Uke avec un armlock, repasser sous le bras de Uke, porter Yuki Chigae sur le poignet.

- garde inversée : Ura Yokomen Uchi

Avancer le pied avant en contrôlant l’attaque avec la main derrière le coude, doigts dirigés vers le visage de Uke. Le pied arrière rattrape le pied avant, rotation en contrôlant la  nuque de Uke, repartir comme Hachi Mawashi

 

Randori

 

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23 septembre, c'est l'automne. Non, c'est la fête à Neuneu, ça mitraille dans tous les coins. Vous ne le saviez pas? Tuer est aussi un loisir.



En quelle année le Cera a-t-il été créé?

Parution au Journal Officiel N°13 du 16 janvier 1975, page 685 :
19 décembre 1974. Déclaration à la préfecture de police. Cercle d'étude et de recherche sur l'aïkido. Objet : étude et recherche des différentes techniques et leur pratique au travers des différentes écoles pratiquant l'aïkido. Siège social : 103, avenue Parmentier, 75011 Paris.
Une histoire du Cera

 


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Le nouveau coq dansa...


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Connaissez-vous le p2p, abréviation de peer to peer, qui pourrait se traduite par d'égal à égal? C'est un système qui permet de télécharger gratuitement toutes sortes de vidéos, mp3, etc...
homme-53.gif
Étant très curieux de nature, je suis allé voir ce qui s'y passe et, comme j'ai des idées très originales, j'ai lancé une recherche sur Aïkibudo. Et que croyez-vous qu'il se passa? J'ai trouvé un fichier intitulé Aïkibudo, tradition et évolution et il s'agit bien du contenu de notre cassette.
Alors, pensez-vous qu'il soit raisonnable d'investir beaucoup, beaucoup d'énergie et de moyens financiers pour éditer un document dont le contenu sera aussitôt en libre-service chez la Mule?